La pauvreté et la faim dans le monde


La pauvreté et la faim dans le monde

 La pauvreté et la faim dans le monde

Intervention de Muylaert Eliza le 13 mai 2006 à l’occasion du débat international en faveur de la République Guinée-Conakry, organisé par le Conseil des Patriotes Guinéens

Je voudrais d’abord remercier Monsieur le Président du Conseil des Patriotes Guinéens, Kaba Bachir, et le Docteur Adama Camara de donner, à l’occasion de ce débat pour la Guinée, une place aux dires du cœur.

Mon intervention sera brève, car je suis impatiente d’écouter la parole de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo et de Monsieur Pape Séné, Président de l’ASBL CAAD-Belgique.

Puis-je rendre hommage à feu l’écrivain Ahmadou Kourouma en citant quelques paroles de son splendide livre Le soleil des indépendances[1] :

« Togobala, faut-il le redire, était plus pauvre que le cache-sexe de l’orphelin, asséché comme la rivière Touko en plein harmattan, assoiffé, affamé. Le peu d’argent de Fama s’était dissipé plus rapidement que la rosée. »

« La pauvreté ne se guérit pas, ne se dissimule pas, à Togobala. »

Et encore :

« Marcher encore à pas comptés

dans la nuit du cœur

et dans l’ombre des yeux »

« Ce furent les oiseaux sauvages

qui, les premiers, comprirent

la portée historique de l’événement »

C’est l’histoire d’un chef qui devient pauvre à cause des indépendances.

Le riche peut devenir pauvre, et vice versa. Et j’ajoute : pour devenir riche, il faut aussi pouvoir s’appauvrir. Je pense que le don du cœur, c’est la plus grande richesse, un capital sûr et durable dans un monde de violence et de souffrance.

Dans sa poésie, Aimé Césaire, « l’éveilleur des consciences », interviewé par Cheikh Anta Diop, nous rend sensible à cette souffrance-violence qui règne sur notre monde de la haute technologie, ce monde de la civilisation suprême :

« Que de sang dans ma mémoire

Dans ma mémoire sont des lagunes

Elles sont couvertes de têtes de mort

Ma mémoire est entourée de sang

Ma mémoire a sa ceinture de cadavres » [2]

La faim, la haine fratricide, la honte règnent partout. L’empire de la pénurie couvre l’hémisphère Sud.

Hans Achterhuis [3], philosophe néerlandais, prône le partage des richesses avec les pauvres dans son livre De uitgestelde Revolutie, Over ontwikkeling en apartheid (La révolution différée, sur le développement et l’apartheid) , mais il y a les rich men’s clubs (CEE, Banque Mondiale, OMC) qui défendent ensemble leurs intérêts contre les have-nots.

Si on recule dans le temps, on est confronté au problème de la colonisation et de la prolétarisation  Flora Tristan [4], écrivaine française d’origine péruvienne, incite les ouvriers à la prise de conscience et à la solidarité. On l’appelle la Femme-Messie. Elle lance les syndicats et ses idées ont inspiré Marx et Engels, qui ont malheureusement oublié de citer cette importante source. Elle parle beaucoup de la pauvreté et de la prostitution au 19ème siècle, surtout en Angleterre. Par des circonstances malencontreuses, Flora Tristan était tombée dans une pauvreté extrême. Mais elle s’est néanmoins occupée des pauvres. Sa parole est précieuse.

Les temps ont changé, mais la pauvreté persiste sous d’autres formes, surtout dans l’hémisphère Sud. Le Tiers Monde connaît la famine terrible, au moins pour la plus grande partie de ses populations. C’est le gouvernement en place qui doit résoudre ce problème.

En Occident, nous voyons croître la pauvreté qui se reflète dans la mendicité. Il y a les sans-abris, il y a les illégaux. Écoutons la parole des sans-papiers en Belgique [5] : « Nous sommes plus de 35.000 en Belgique, des familles, des célibataires, hommes, femmes, arrivés de quatre coins des cinq continents … Venus ici pour travailler, pour vivre libre, loin de la guerre et de la misère afin de contribuer aussi au développement de la Belgique. »

Il y a les réfugiés politiques, il y a les réfugiés économiques.

Même si les situations diffèrent, la Parole reste toujours une nécessité primordiale, un moyen de prise de conscience.

Le sociologue Emmanuel AMOUGOU [6] laisse la parole à cette femme africaine qui est restée muette et qui fait le bilan de sa vie avant de mourir :

« Je suis malheureusement restée muette, sans parole, sous l’ombre de votre père qui n’a jamais reconnu, lui autant que les siens, ma place ici parmi eux. Pour lui, je ne suis que la mère de ses enfants et encore ! Je ne suis que celle qui doit cultiver des champs pour nourrir les siens, faire honneur à sa position … »  Cette Africaine anonyme mérite aussi un hommage.

C’est Jean Ziegler, sociologue suisse, qui a écrit l’introduction du livre sus-mentionné et il y cite Engels qui dit dans La Sainte Famille :

« Personne n’est plus profondément puni que l’homme du fait que la femme soit maintenue dans l’esclavage. » Et plus loin : « L’émancipation de la femme est la mesure naturelle du degré d’émancipation générale. » [7]

Et Amougou cite en exergue Nietzsche à propos de la femme et du peuple :

« Et comme nous savons peu de choses, nous aimons de tout cœur les pauvres d’esprit, surtout quand ce sont de jeunes femmes ! Et même nous sommes avides de connaître les choses que les vieilles femmes se racontent le soir. C’est ce que nous appelons l’Éternel Féminin qui est en nous. »

« Et comme si le savoir avait un accès particulier et secret, un accès qui se boucherait devant ceux qui apprennent quelque chose : nous croyons au peuple et à sa « sagesse ». [8]

Jean Ziegler est actuellement rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation et défenseur de la cause « altermondiste ». Il qualifie la famine d’ arme de destruction massive.

« Avec la dette, la faim est l’arme de destruction massive qui sert aux cosmocrates à broyer – et à exploiter – les peuples, notamment dans l’hémisphère Sud. »

« … l’agriculture mondiale, dans l’état actuel de sa productivité pourrait nourrir le double de l’humanité d’aujourd’hui. Il n’existe donc aucune fatalité : la faim est faite de main d’homme ».

« Longtemps, la destruction des êtres humains par la faim a été tolérée dans une sorte de normalité glacée. Aujourd’hui, elle est considérée comme intolérable. L’opinion fait pression sur les gouvernements et les organisations (OMC, FMI, Banque mondiale, etc.) afin que des mesures élémentaires soient prises pour abattre l’ennemi : réforme agraire dans le tiers-monde, prix convenables payés pour les produits agricoles du Sud, rationalisation de l’aide humanitaire en cas de brusques catastrophes, fermeture de la Bourse des matières premières agricoles de Chicago, qui spécule à la hausse sur les principaux aliments, lutte contre la privatisation de l’eau potable, etc. »

« L’Europe reste à mes yeux trop silencieuse alors qu’elle a les moyens de proposer un autre modèle. » [9]

Le consommateur peut faire pression sur les multinationales. Consommons ce que nous produisons, produisons ce que nous consommons. [10]

Dans son livre Brave New World, Aldous Huxley avait déjà parlé du bonheur consistant à aimer notre esclavage. La « civilisation suprême » y est confrontée à la « sauvagerie ».

Certes, on peut s’opposer à certaines manipulations de cette civilisation suprême.

La famine et l’esclavage ont été faits de main d’homme.

Dans son livre De l’oncle Tom aux panthères, Daniel Guérin avait analysé en détail la ségrégation et l’esclavage des Noirs aux États-Unis :

« L’esclavage ne fut le fruit ni de l’ « infériorité  » des Noirs, ni de la perversité des Blancs. Il fleurit tant qu’il fut profitable. Le préjugé racial fut créé et nourri pour justifier, à chaque étape, l’exploitation de la main d’œuvre de couleur. » [11]

Lilian Smith, auteur de Strange fruit (roman publié en 1947), s’exprime à propos de la presse libérale du Sud aux États-Unis comme suit :

« Même les journaux les plus libéraux s’imaginent que dénoncer la ségrégation inciterait à la violence. Pour eux, l’affirmation des droits de l’homme ne peut être que nuisible. Ils semblent avoir oublié que les mots sont capables de soulever aussi bien la conscience de l’homme que ses basses passions. » [12]

La parole peut inciter à la prise de conscience des hommes.

Le protagoniste d’un livre de Tierno Monénembo [13] nous parle de la terre, amère comme elle ne l’a jamais été :

« … Je vous parle de la terre, amère comme elle ne l’a jamais été … Il faudrait bien tôt ou tard restituer la parole au bidonville de Leydi-Bondi. Écouter les battements mats de son cœur d’argile. Mesurer les pulsions folles de son influx secret. Pas pour les besoins de l’archive. A Leydi-Bondi, rien ne mériterait d’être conservé : tout y pourrit avant même d’exister, peut-être d’appréhender devoir y figurer un jour. Et puis, Leydi-Bondi ne saurait tenir dans un miroir : c’est un monde de cris, de borborygmes de frétillements, de toux et de crachats, d’urine et de crottin. Un peuple pestiféré y marche sans cesse, boit comme un chantre et ne parvient jamais à calmer ses nerfs qu’on dirait naturellement pimentés. Et pourtant, a-t-on jamais vu quelqu’un s’en faire dans cette fournaise ? Hypocrite, la nature y larmoie à la place des hommes : une compassion paradoxale d’averses et de torrents qui ajoute à l’affliction au lieu de soulager. »

A propos de la pauvreté, référons encore à Nelson Mandela : nul ne peut vivre en paix si l’autre doit vivre dans la pauvreté et l’insécurité. [14]

En tant qu’enseignante, j’opte pour un enseignement et une éducation où on ferait une nette distinction entre savoir et pouvoir, le savoir aspirant toujours à rester en-dehors des manipulations politiques et en gardant son rôle de conseiller. La parole éduque, donc il faut éduquer la parole, fortifier la prise de conscience. En ce qui concerne les droits de l’homme, on n’oubliera pas de développer encore plus la protection des enfants (contre les abus comme le travail des enfants, le fléau des enfants-soldats, contre les mutilations de toutes sortes).[15]

Éduquons-nous à créer notre propre bonheur, qui diffère d’individu à individu. Le bonheur, c’est quelque chose à laquelle nous aspirons, que nous effleurons de temps en temps. Il n’a pas de couleur, à savoir qu’il est noir, blanc, rouge, jaune, rose … C’est un arc-en-ciel à notre portée.

Muylaert Eliza

13 mai 2006

[1] Ahmadou KOUROUMA, Le Soleil des Indépendances, Presses Universit. de Montréal, 1968 : p. 110-111

[2] Brasseur de souffrance : internet : cesaire.org/cesaire.ankh/index2.htm

[3] Hans Achterhuis, De uitgestelde revolutie, Over ontwikkeling en apartheid, Uitg. In den Toren, Baarn, 1973

[4] Dominique Desanti, Flora Tristan, La Femme révoltée, Hachette, Paris, 1972

[5] Communiqué de l’UDEP (Union pour la défense des sans-papiers). Les chiffres ont entre-temps fort augmenté

[6] Emmanuel AMOUGOU, Afro-métropolitaines, Émancipation ou domination masculine ?, L’Harmattan, 1998, Paris : p. 186

[7] idem : p. 10

[8] Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

[9] Interview sur L’Empire de la Honte sur la chaîne de TV5 par Gian Paolo Accardo

[10] On trouve des informations récentes concernant la souveraineté alimentaire sur le site de CNCD (www.CNCD.be)

[11] Daniel Guérin, De l’oncle Tom aux panthères, Éditions de Minuit, 1973 : p. 31

[12] idem : p. 116

[13] Tierno Monénembo, Les écailles du ciel, Ed. du Seuil, 1986 : p. 13

[14] Uitspraken van Nelson Mandela, A.W. Bruna Uitgevers B.V., Utrecht, 1998 : “Niemand kan in vrede leven wanneer anderen een armoedig en onveilig bestaan leiden.”

[15] en ce qui concerne la condition des enfants-soldats : voir l’œuvre d’Ahmadou Kourouma, Els de Temmerman (The Aboke Girls)

armoede en honger in de wereld

ARMOEDE EN HONGER IN DE WERELD

Graag zou ik hulde brengen aan wijlen Ahmadou Kourouma en een passage voorlezen uit zijn prachtig boek, Le soleil des indépendances 1:
« Togobala, om het nog eens te zeggen, was armer dan de cache-sexe van het weeskind, uitgedroogd zoals de rivier Touko in volle harmattan, dorstig, uitgehongerd. Het weinige geld dat Fama bezat, was vlugger verspild dan de dauw.” “In Togobala geneest men armoede niet, men kan ze er niet verhelen”.

En nog :
Verder marcheren met afgemeten passen,
in de nacht van het hart,
en in de schaduw van de ogen”.
“Het waren de wilde vogels
die het eerst het historisch belang
van de gebeurtenis begrepen.

Een chef werd arm tengevolge van de onafhankelijkheid. De rijke kan arm worden, en vice versa : de arme kan rijk worden. En ik voeg hier nog aan toe : om rijk te worden, moet men ook arm kunnen worden. Ik denk dat het wegschenken van zijn hart de grootste rijkdom is, een zeker en duurzaam kapitaal in een wereld van geweld en lijden.

In zijn poëzie maakt Aimé Césaire, “degene die het bewustzijn opwekt”, kortelings overleden, ons gevoelig voor dit lijden en geweld, dat heerst in onze wereld van de hoogwaardige technologie, deze wereld van de opperste beschaving :
« Wat’n bloed in mijn geheugen
In mijn geheugen zijn er lagunes
Ze zijn bedekt met doodskoppen
Mijn geheugen is omringd met bloed
Mijn geheugen heeft z’n gordel van kadavers»2

Honger, broedermoord en schaamte heersen overal. Het rijk van de schaarste ontmantelt het zuidelijk halfrond.
Hans Achterhuis3 , Nederlands filosoof, prijst in De uitgestelde Revolutie, Over ontwikkeling en apartheid het delen van de rijkdommen met de armen aan , maar er zijn de rich men’s clubs (EEG, Wereldbank, WHO) die samen hun belangen verdedigen tegen de have-not.

Als men twee eeuwen terugkeert, wordt men geconfronteerd met het probleem van de kolonisatie en proletarisering. Flora Tristan4 , een Franse schrijfster van Peruviaanse afkomst, zet de arbeiders aan tot bewustwording en solidariteit. Men noemt haar de Vrouw-Messias. Ze lanceert de syndicaten en haar ideeën inspireerden Marx en Engels, die spijtig genoeg nalieten deze belangrijke inspiratiebron te vermelden in hun geschriften. Flora spreekt veel over armoede en ook over de prostitutie in de 19de eeuw, vooral in Engeland. Door ongelukkige omstandigheden, geraakte ze in uiterste armoede. Toch slaagde ze erin zich in te zetten voor de armen. Haar woord is waardevol.

De tijden zijn veranderd, armoede krijgt een ander aanzicht, vooral in het zuidelijk halfrond. Het grootste deel van de bevolking van de Derde Wereld kent afschuwelijke honger. Het is aan de regering ter plaatse dit probleem op te lossen.

In het Westen zien we de groeiende armoede ook weerspiegeld in de Vierde Wereld. Laat ons luisteren naar het woord van illegalen :
We zijn met meer dan 35.000 in België, families, vrijgezellen, mannen en vrouwen die hier aankwamen uit de vier hoeken van de vijf continenten … Naar hier gekomen om te werken, om vrij te leven, ver van de oorlog en van de ellende om ook bij te dragen tot de ontwikkeling van België.”5

Er zijn daar niet alleen de politieke, maar ook de economische vluchtelingen.
Ook al veranderen de omstandigheden, het recht op Woord blijft een primordiale noodzakelijkheid, een middel tot bewustwording.
De socioloog Emmanuel AMOUGOU laat het woord aan die anonieme Afrikaanse die stilzwijgend is gebleven en die de balans van haar leven opmaakt alvorens te sterven : « Spijtig genoeg bleef ik stilzwijgend, zonder woord, in de schaduw van uw vader die, evenals de zijnen, hier nooit mijn plaats tussen hen heeft erkend. Voor hen ben ik slechts de moeder van zijn kinderen, en dan nog! Ik ben slechts degene die de velden moet bewerken om de zijnen te voeden, die zijn sociale positie eer moet aandoen.” Deze anonieme Afrikaanse verdient ook een hulde.

Het is Jean Ziegler, Zwitsers socioloog, die de inleiding schreef van bovenvermeld boek, en hij citeert daarin Engels die zegt in La Sainte Famille :
Niemand wordt zwaarder gestraft dan een man door het feit dat zijn vrouw in slavernij wordt gehouden. De emancipatie van de vrouw is van nature de maatstaf om de graad van algemene emancipatie te evalueren.

En Amougou citeert als motto enkele uitspraken van Nietzsche betreffende de vrouw en het volk :
Nietzsche refereert erin naar het Eeuwig Vrouwelijke. Volgens hem, houden we van de armen van geest, vooral als het jonge vrouwen zijn. En we branden van nieuwsgierigheid om te weten wat oudere vrouwen elkaar ’s avonds vertellen.
Hij gelooft in de wijsheid van het volk en in een wetenschap die toegankelijk kan worden voor allen8.

Jean Ziegler is heden speciale rapporteur van de VN voor het recht op voeding en verdediger van de “altermondistische”zaak. Hij bestempelt honger samen met de schuld als een “wapen van massale vernietiging”, dat de kosmocraten gebruiken om volkeren uit te buiten, vooral in het zuidelijk halfrond. Volgens hem zou de landbouw in de wereld in haar huidig stadium van productiviteit vandaag het dubbele van de mensheid kunnen voeden. Er is dus geen sprake van fataliteit : de honger werd gecreëerd door mensenhand.

« Lange tijd werd de vernietiging van menselijke wezens door de honger ijskoud getolereerd als de normaalste zaak. Heden wordt ze beschouwd als onduldbaar. De publieke opinie oefent druk uit op regeringen en organisaties (WHO, IMF, Wereldbank, enz.) opdat er elementaire maatregelen zouden genomen worden om de vijand neer te halen : landbouwhervorming in de Derde Wereld, correcte prijzen betaald voor de landbouwproducten uit het Zuiden, rationalisering van de humanitaire hulp ingeval van plotselinge catastrofen, sluiten van de Beurs van landbouwgrondstoffen van Chicago, die speculeert op de verhoging op de belangrijkste voedingsmiddelen, strijdt tegen de privatisering van drinkbaar water, enz.

Europa blijft naar mijn mening te stilzwijgend terwijl het eigenlijk de middelen heeft om een ander model voor te stellen. »9
De consument kan druk uitoefenen op de multinationale bedrijven. We moeten verbruiken wat we produceren, en produceren wat we verbruiken. Consommons ce que nous produisons, produisons ce que nous consommons.10

In zijn Brave New World had Aldous Huxley reeds gesproken over het geluk dat erin bestaat te houden van onze slavernij. De “hoogwaardige beschaving” wordt er geconfontreerd met de “barbaarsheid van de wilden”.
Honger en slavernij zijn gemaakt door mensenhand.

In De l’oncle Tom aux panthères, gaf Daniel Guérin reeds een gedetailleerde analyse van de segregatie en de slavernij van Zwarten in de Verenigde Staten. Volgens hem was de slavernij niet de vrucht van de zogenaamde “minderwaardigheid” van de Zwarten, noch van de perversiteit van de Blanken. Het rassenvooroordeel werd gecreëerd om de arbeid van kleurlingen te kunnen uitbuiten.11

Lilian Smith, auteur van Strange fruit (roman gepubliceerd in 1947), heeft het over de liberale pers in de Verenigde Staten : ze wijst erop dat de liberale pers denkt dat het aanklagen van segregatie zou aanzetten tot geweld; maar woorden kunnen evenzeer aanzetten tot bewustwording van de mens als tot het aanwakkeren van zijn lage passies.12
Het woord kan aanzetten tot de bewustwording van de mensen.

De protagonist van een boek van Tierno Monénembo13 spreekt ons over de aarde, bitter als ze nooit geweest zou zijn : in Leydi-Bondi loont het niet de moeite iets te bewaren, alles bederft er alvorens te kunnen bestaan. Een volk van pestlijders marcheert er zonder ophouden. “Men zou vroeg of laat het woord moeten teruggeven aan de sloppenwijk van Leydi-Bondi. Luisteren naar het doffe kloppen van haar hart van klei.”
Hypocriet, jammert de natuur er in plaats van de mens. Het is een wereld van kreten.

En wat betreft de armoede, verwijs ik nog graag naar Nelson Mandela : : “Niemand kan in vrede leven wanneer anderen een armoedig en onveilig bestaan leiden.”

Uitgaand van jarenlange ervaring in het onderwijs, opteer ik voor onderricht en opvoeding die een scheiding kan maken tussen weten en macht, want het weten streeft ernaar vrij te blijven van politieke manipulaties en zijn rol van raadgever te bewaren. Het woord voedt op, men moet het woord opvoeden en de bewustwording versterken. Wat betreft de mensenrechten, zou er nog meer aandacht moeten worden besteed aan de bescherming van het kind tegen misbruiken van allerlei aard (zoals kinderarbeid, de gesel van de kind-soldaten, fysieke en psychologische verminkingen enz.)15

Laten we onszelf opvoeden om ons eigen geluk te creëren. Het geluk, dat is iets waar we af en toe naar streven, dat we bijwijlen eventjes aanraken. Het heeft geen kleur, te weten dat het zwart, wit, rood, geel, roze is … Het is een regenboog in ons bereik.

Muylaert Elyza

13 mai 2006


(1) Ahmadou KOUROUMA, Le Soleil des Indépendances, Presses Universitaires de Montréal, 1968 : p. 110-111 : « Togobala, faut-il le redire, était plus pauvre que le cache-sexe de l’orphelin, asséché comme la rivière Touko en plein harmattan, assoiffé, affamé. Le peu d’argent de Fama s’était dissipé plus rapidement que la rosée. »
« La pauvreté ne se guérit pas, ne se dissimule pas, à Togobala. »
Et encore :
« Marcher encore à pas comptés
dans la nuit du coeur
et dans l’ombre des yeux »
« Ce furent les oiseaux sauvages
qui, les premiers, comprirent
la portée historique de l’événement »

(2) “Brasseur de souffrance” (brouwer van lijden) : internet : cesaire.org/cesaire.ankh/index2.htm.
« Que de sang dans ma mémoire
Dans ma mémoire sont des lagunes
Elles sont couvertes de têtes de mort
Ma mémoire est entourée de sang
Ma mémoire a sa ceinture de cadavres »

(3) Hans Achterhuis, De uitgestelde revolutie, Over ontwikkeling en apartheid, Uitg. In den Toren, Baarn, 1973

(4) Dominique Desanti, Flora Tristan, La Femme révoltée, Hachette, Paris, 1972

(5) cfr. communiqué van de UDEP (Vereniging voor de verdediging van de illegalen). Het geciteerde cijfer van 35.000 is ondertussen natuurlijk al sterk gestegen « Nous sommes plus de 35.000 en Belgique, des familles, des célibataires, hommes, femmes, arrivés de quatre coins des cinq continents . Venus ici pour travailler, pour vivre libre, loin de la guerre et de la misère afin de contribuer aussi au développement de la Belgique. »

(6) Emmanuel AMOUGOU, Afro-métropolitaines, Emancipation ou domination masculine ?, L’Harmattan, 1998, Paris, p. 186 : « Je suis malheureusement restée muette, sans parole, sous l’ombre de votre père qui n’a jamais reconnu, lui autant que les siens, ma place ici parmi eux. Pour lui, je ne suis que la mère de ses enfants et encore ! Je ne suis que celle qui doit cultiver des champs pour nourrir les siens, faire honneur à sa position … »

(7) idem : p. 10 : « Personne n’est plus profondément puni que l’homme du fait que la femme soit maintenue dans l’esclavage. » Et plus loin : « L’émancipation de la femme est la mesure naturelle du degré d’émancipation générale. »

(8) idem : p. 11 : inleiding : « Et comme nous savons peu de choses, nous aimons de tout cœur les pauvres d’esprit, surtout quand ce sont de jeunes femmes ! Et même nous sommes avides de connaître les choses que les vieilles femmes se racontent le soir. C’est ce que nous appelons l’Eternel Féminin qui est en nous. »
« Et comme si le savoir avait un accès particulier et secret, un accès qui se boucherait devant ceux qui apprennent quelque chose : nous croyons au peuple et à sa ‘sagesse’. »

(9) Interview over L’Empire de la Honte op TV5 door Gian Paolo Accardo : « Avec la dette, la faim est l’arme de destruction massive qui sert aux cosmocrates à broyer – et à exploiter – les peuples, notamment dans l’hémisphère Sud. »
«  … l’agriculture mondiale, dans l’état actuel de sa productivité pourrait nourrir le double de l’humanité d’aujourd’hui. Il n’existe donc aucune fatalité : la faim est faite de main d’homme ». « Longtemps, la destruction des êtres humains par la faim a été tolérée dans une sorte de normalité glacée. Aujourd’hui, elle est considérée comme intolérable. L’opinion fait pression sur les gouvernements et les organisations (OMC, IMF, Banque mondiale, etc.) afin que des mesures élémentaires soient prises pour abattre l’ennemi : réforme agraire dans le tiers-monde, prix convenables payés pour les produits agricoles du Sud, rationalisation de l’aide humanitaire en cas de brusques catastrophes, fermeture de la Bourse des matières premières agricoles de Chicago, qui spécule à la hausse sur les principaux aliments, lutte contre la privatisation de l’eau potable, etc. »
« L’Europe reste à mes yeux trop silencieuse alors qu’elle a les moyens de proposer un autre modèle. »

(10) Men vindt recente informaties over een autonoom voedselbeleid op de website van CNCD (www.CNCD.be)

(11) cial fut créé et nourri pour justifier, à chaque étape, l’exploitation de la main d’œuvre de couleur.

(12) idem : p. 116 : « Même les journaux les plus libéraux s’imaginent que dénoncer la ségrégation inciterait à la violence. Pour eux, l’affirmation des droits de l’homme ne peut être que nuisible. Ils semblent avoir oublié que les mots sont capables de soulever aussi bien la conscience de l’homme que ses basses passions. »

(13) Tierno Monénembo, Les écailles du ciel, Ed. du Seuil, 1986 : p. 13 : « … Je vous parle de la terre, amère comme elle ne l’a jamais été … Il faudrait bien tôt ou tard restituer la parole au bidonville de Leydi-Bondi. Ecouter les battements mats de son cœur d’argile. Mesurer les pulsions folles de son influx secret. Pas pour les besoins de l’archive. A Leydi-Bondi, rien ne mériterait d’être conservé : tout y pourrit avant même d’exister, peut-être d’appréhender devoir y figurer un jour.
« Hypocrite, la nature y larmoie à la place des hommes : une compassion paradoxale d’averses et de torrents qui ajoute à l’affliction au lieu de soulager. »

(14) Uitspraken van Nelson Mandela, A.W. Bruna Uitgevers B.V., Utrecht, 1998

(15) Wat betreft het lot van de kind-soldaten  : zie het werk van Ahmadou Kourouma, Els de Temmerman, The Aboke Girls. Daniel Guérin, De l’oncle Tom aux panthères, Ed. de Minuit, 1973 : p. 31 : « L’esclavage ne fut le fruit ni de l’ »infériorité » des Noirs, ni de la perversité des Blancs. Il fleurit tant qu’il fut profitable ».