Pierre Rabhi ; un géant vert du corporatisme

Je suis toujours surpris par la faculté de certains de mes congénères à se chercher des leaders charismatiques et à les admirer au-delà du raisonnable. Parmi ces personnages admirés, nous trouvons la catégorie des « vieux sages ». Un homme ou une femme, d’un certain âge, fait preuve d’une humilité apparente, mais sans doute relative, sort des réflexions vaguement philosophiques, politiques et spirituelles, et aussitôt, il se trouve des gens pour l’admirer.

En général, les paroles de ces prophètes sont d’une banalité déconcertante et il leur suffit de faire des petites phrases pleines de bon sens, un peu empathiques, doucement subversives et de donner l’impression d’avoir atteint un certain degré de sagesse, pour que des ahuris se mettent à les suivre.

Dans cette catégorie nous retrouvons l’abbé Pierre, le Dalaï-Lama, ou encore Sœur Emmanuelle. Depuis quelque temps ce club des prophètes s’est adjoint les services de Pierre Rabhi. En phase avec la mode, celui-ci se réclame de l’écologie politique et s’est paré de concepts qui se veulent scientifiques. Il est l’invité de nombreux médias (RCF, L’Humanité, féminin bio, Marianne, France Inter, Paris Match, RTL…) et ces petites phrases sont reprises et partagées sur les réseaux sociaux.

Ah oui ! J’avais oublié de préciser que ces « penseurs » étaient, malgré leur « retrait » du monde matériel, étonnement bien médiatisés et faisaient preuve d’une bonne connaissance du monde médiatique, du monde économique et politique. Souvent, ils ont derrière eux toute une machine de guerre politique, religieuse et médiatique.

Avec la Cop 21, la mode du green-washing et du tout-écolo, force est de constater que Pierre Rabhi est souvent appelé à la rescousse, que ce soit à la télé, dans les journaux et sur les réseaux sociaux. C’est actuellement, avec les Nicolas Hulot et autres Yann Arthus Bertrand, un des chantres de la Réaction verte. Très médiatisé, ce courant s’inscrivant dans le fameux développement durable prétend défendre l’environnement sans remettre en cause le capitalisme. Mieux ! Il accuse l’humanité, il culpabilise l’Homme. Ces biens pensants sont étonnamment financés par des grosses entreprises, et sont des proches des pouvoirs économiques et politiques.

Sur un site de l‘Association Française pour l’Information Scientifique¹ on découvre ainsi que l’association Terre et Humanisme, fondée par Rabhi, est financée par un crédit coopératif en conflit social avec les syndicats au moment du reportage de l’AFIS. On trouve également Finansol, une « association professionnelle qui fédère les organisations de finance solidaire en France ». On trouve parmi ses membres l’ensemble des grandes banques comme la Banque Populaire, BNP Parîbas, le Crédit Agricole, le Crédit Lyonnais, la Banque Postale…

On apprend toujours par l’AFIS que « Pierre Rabhi, l’initiateur et Président d’honneur de Terre et Humanisme, […] avec son association Colibris, fait de la publicité pour Ecover, devenu le premier fabricant mondial de produits d’entretien 100 % écologiques ». Il fait également de la pub « pour Weleda, Jardin Bio et d’autres qui ont financé sa campagne 2012 « tous candidats » ». Sur le site de la fondation Rabhi, créé sous l’égide de la Fondation de France, et dont T et H est l’une des structures historiques, on trouve parmi les membres fondateurs des noms tels que François Lemarchand, fondateur de Nature et Découverte, 472e fortune de France, Jacques Rocher, ancien président de la fondation Yves Rocher et actuel « Directeur du développement durable et de la prospective » du groupe Yves Rocher, 26e fortune de France avec sa famille, selon le magazine Challenges, et une princesse, Constance de Polignac.

Terre et Humanisme, bien financée, peut ainsi faire des formations en agriculture biodynamique, y compris dans des lycées publics. On y apprendra que l’agriculture actuelle est dangereuse pour les sols, qu’il faut mettre en place la bio-dynamie : un mélange de pseudosciences, d’agriculture bio et d’enseignements à vivre chichement et à se contenter de peu. Comme le dit un des membres de Terre et Humanisme, la biodynamie amène l’agriculture bio sur un « plan vibratoire » ; « c’est quasiment homéopathique, des qualités biologiques quasiment homéopathiques pour le sol, ce qui permet après de démarrer des processus dans les sols différents ».

Seul gain de production réellement observé sur la ferme expérimentale du mouvement : l’exploitation des bénévoles et des stagiaires ! «T et H accueille entre 150 et 170 bénévoles par an. Ils ont beaucoup de demandes, alors ils limitent la durée de bénévolat… à une ou deux semaines. D’ailleurs sur le site, il est indiqué que c’est complet jusqu’en octobre. On apprend aussi […] dans le chapitre « devenez bénévole« , que le bénévole s’engage à travailler six heures minimum par jour, « La durée de participation aux activités est de six heures minimum par jour (début de la journée de travail de bonne heure pendant l’été !) », mais aussi qu’il doit « une participation solidaire aux frais inhérents à votre séjour vous sera demandée : 4 euros par jour en période de formation, 3 euros hors période de formation » en plus de l’obligation d’adhérer à l’association pour 16 euros.

Petit calcul : 10 jours x 6 heures par jour x 150 personnes = 9 000 heures de travail gratuit par an. Souvent les employeurs se plaignent du coût trop élevé de la main-d’œuvre en France, même lorsqu’elle est au SMIC, Têt H a trouvé une solution à ce problème et sait comment faire travailler les gens gratuitement.

[…] Plus fort encore : parfois la main-d’œuvre paie pour travailler! « Transmission aussi par le biais de formation, puisque nous avons chaque année 200 stagiaires qui viennent suivre une formation d’une semaine à Terre et Humanisme. […] ça, c’est une de nos ressources principales.

[…] Pour un stage d’initiation à l’agroécologie d’une durée de cinq jours, le prix minimum est de 350 euros, mais si on le souhaite, on peut payer davantage, bien sûr. Prenons le tarif du stage le moins onéreux et multiplions-le par le nombre de stagiaires reçus par an : 200 X 350 = 70 000 + 3 200 d’adhésion obligatoire + le temps de travail, car comme nous le verrons un stagiaire à T et H a un travail réellement productif, c’est pas mal, non ? « »²

Concentrons-nous un peu plus sur Pierre Rahbi

Notons tout de suite que le personnage reconnaît volontiers dans les interviews en appeler au divin quand « il ne trouve pas de réponses ou de solutions »³. Comme le dit si bien le blogueur Yann Kindo sur Médiapart « Quant au contenu du ‘message’ de Rabhi, il est sidérant de vide et de nullité. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’il raconte, en dehors de vagues sentences sur la sobriété heureuse à la façon de Bernard de Clairvaux, l’inspirateur des moines cisterciens ? En gros, face au capitalisme, Rabhi dit ce que l’Église catholique nous serine depuis deux millénaires : aimez-vous les uns les autres, serrez-vous un peu la ceinture pour votre bien et remettez-vous en au divin pour le reste. Mais surtout, pas de lutte des classes, hein, ça c’est pécher ! »⁴

Voyons ainsi quelques citations de Rabhi pour mieux situer le personnage médiatique à la mode dans certains milieux de gauche : « Avec le mouvement pour la terre et l’humanisme, nous voulons un changement de paradigme. Sinon, on va continuer à mystifier, à gérer au jour le jour de petites échéances en petites échéances, tranquilliser les gens par une certaine démagogie. Mais sans donner la solution radicale qui est nécessaire : changer de logique, mettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations. Revenir à une civilisation de la modération, de l’auto limitation. » « Nous appelons à l’insurrection des consciences »… cela ne coûte rien.

« Loin de toutes hypocrisie ou complaisance, et avec tout le respect dû aux personnes, je considère comme dangereuses pour l’avenir de l’humanité, la validation de la famille « homosexuelle », alors que par définition cette relation est inféconde »⁵. « Nous nous trouvons engagés dans un processus de croissance économique qui fait de nous des prédateurs insatiables et surtout sans joie. Quand je me rends dans les pays pauvres, les gens sont beaucoup plus joyeux que dans les pays dits « riches » dans lesquels la consommation de tranquillisants et d’anxiolytiques bat tous les records. Il y a donc une misère malgré « l’avoir ». C’est pour cette raison que je me suis dit qu’il fallait maintenant construire le monde, l’avenir et le « vivre ensemble » de l’humanité sur la sobriété, ou ce que j’appelle aussi la puissance de la modération »^6.

« Comme tout le monde, je me suis nourri auprès des uns et des autres. J’ai lu Osborne avec La planète au pillage, Rudolf Steiner et bien d’autres encore. Chaque génération a ses propres maîtres et précurseurs et ce sont eux qui m’ont inspiré. Le fait d’être un œcuméniste me place au cœur même des phénomènes de la vie. Je les observe directement et pas seulement à travers des livres. Je me suis mêlé à la nature par ma vie d’agriculteur, et quand je pétris ma terre, la terre me pétrit. C’est comme une étreinte entre nous »⁷.

Pourquoi est-il si médiatisé ? Si cité ? Tout simplement, parce qu’il enseigne la résignation. Il est un allié objectif du système tout en ayant les apparences d’un subversif. N’est-ce pas le genre d’individu que le système promeut ?

Hansi Brémond

La Raison n°609 – mars 2016

Pierre Rabhi ; un géant vert du corporatisme

Notes :

1 http://afis-ardeche.blogspot.fr/2012/09/humanisme-notre-visite-chez-des.html

2 http://afis-ardeche.blogspot.fr/2012/09/humanisme-notre-visite-chez-des.html

3 https://blogs.mediapart.fr/yann-kindo/blog/120714/contre-pierre-rabhi-et-qualthusser-repose-en-paix

4 https://blogs.mediapart.fr/yann-kindo/blog/120714/contre-pierre-rabhi-et-qualthusser-repose-en-paix

5 « le semeur d’espoir » de Pierre Rahbi chez Actes Sud, cité aussi sur :

http://www.lesenrages.antifa-net.fr/rabhi-sur-la-famille-et-la-pma-a-droite-toute-2/

6 http://www.femininbio.com/agir-green/actualites-nouveautes/pierre-rabhi-intime-68618

7 http://www.femininbio.com/agir-green/actualites-nouveautes/pierre-rabhi-intime-68618