La sainte famille


Sexualité, filiation et parentalité dans l’Église catholique

Cet ouvrage édité par l’Université libre de Bruxelles est fort intéressant. Il vise à étudier la position de l’Eglise catholique en Belgique, mais pas seulement, sur la question de la famille. Il rappelle que la « sainte-famille » (Joseph, Marie, Jésus) est une dévotion récente, datant de 1893 et que le mariage n’est un sacrement que depuis le concile de Latran de 1215. Cet ouvrage complète fort bien celui de Georges Duby « La femme, le chevalier et le prêtre » qui montre que le mariage ne devient un sacrement que pour « fixer le cheptel » des serfs qui avait tendance à être nomade, ce qui était dommage pour le seigneur local.

La doctrine de l’Eglise est intangible : une famille, c’est un papa, une maman et des enfants. La sexualité ne vise qu’à procréer. Et les enfants ont une fonction prédestinée : « Ton petit frère est plus fort et préfère les jeux rudes et mouvementés, parce qu’il doit être un homme comme papa. Ta petite sœur est plus fragile que toi, parce qu’elle est destinée à être une maman… Si le petit garçon était aussi sensible qu’une petite fille, il ne pourrait pas travailler, prendre de grandes responsabilités, car un rien le bouleverserait, le troublerait ». Telle est la Vulgate catholique.

Mais la sécularisation fait son œuvre. Même dans les établissements catholiques pour la jeunesse, pourtant très encadrés par la doctrine de l’Eglise, la vie, donc le sexe, arrive à faire son chemin. Un auteur s’interroge : « Cette indéniable capacité d’adaptation du catholicisme n’atteint-elle pas ses limites, lorsque l’écart entre la norme présentée comme immuable et la plasticité des pratiques négociées localement devient trop grand, surtout lorsque ces questions font l’objet d’une politisation intense ? »

Même s’il y a des adaptations locales, les règles décidées il y a 4 000 ans ou 2 000 ans, doivent s’appliquer. Mais quelle réalité dedans ? Des mouvements comme La Manif pour tous sont impulsés en sous-main par l’Eglise dans tous les pays en Europe et visent à « ré-évangéliser » le vieux continent. « Il y aurait donc chez Jean-Paul II, comme chez Jorge Mario Bergoglio aujourd’hui, une stratégie de communication qui ferait passer pour une modernisation la répétition d’interdits ». L’Eglise est prise dans un étau entre sa doctrine immuable et la vie qui passe.

C’est un ouvrage à recommander à tous ceux que ces questions intéressent.

Christian Eyschen

La sainte famille édité par Cécile Vanderpelen-Diagre et Caroline Sägesser – Editions ULB – 242 pages – 19€

La Raison n°637 – janvier 2019

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