Parlons-en du 8 mars !


Huit mars, date symbole, chargée d’histoire, cette journée nous permet de rappeler le combat incessant des femmes qui, à travers le monde, se battent pour conquérir des droits ou s’opposent à la remise en cause de leurs acquis.

La femme est asservie à l’homme et elle le restera tant
qu’elle ne sera pas indépendante économiquement.
CLARA ZETKIN, 1889

La Journée internationale des femmes en lutte plonge ses racines au plus profond des luttes du mouvement ouvrier.

Zetkin et Luxembourg

En 1907 à Stuttgart, la militante socialiste allemande Clara Zetkin proposa d’instituer avant chaque Congrès de l’International une « Conférence internationale des femmes socialistes » afin de lutter contre la double oppression des femmes : celle découlant de leur travail à l’usine et celle découlant de leur travail domestique. Une résolution sur le droit de vote des femmes fut adoptée, qui sera le point de départ du combat pour les droits politiques de la femme.

« Dans notre législation, la femme ne possède pas, elle n’est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas.  Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent, il faut qu’il cesse. » V. HUGO 1876

En 1910 à Copenhague, lors de la deuxième Conférence internationale des femmes socialistes, à l’ initiative de Clara Zetkin, une résolution pour organiser chaque année une Journée Internationale consacrées à la mobilisation des femmes « en accord avec les organisations politiques et syndicales du prolétariat dotées de la conscience de classe » fut adoptées.

Dès 1911 la résolution est appliquée. Des manifestations monstres sont organisées à travers l’Europe et les Etats-Unis pour porter au grand jour leurs revendications et réclamer leurs droits :

– droit à la journée de 8 heures,
– droit d’adhérer à un syndicat,
– droit à la protection de la maternité,
– droit de vote,
– etc.

La première guerre mondiale se préparant, la Journée Internationale des Femmes se transformera en une mobilisation des femmes contre la guerre. 1912, L’Internationale socialiste des Femmes et Clara Zetkin appellent à la paix. Le 8 mars 1913, des femmes russes organisent des rassemblements soit pour protester contre la guerre soit en solidarité avec leurs consœurs. En 1914, des manifestations ouvrières pour la paix et la libération de Rosa Luxembourg se déroulent en Allemagne et en France. En, 1915, en Norvège sous l’impulsion de Alexandra Kollontaï et en Suisse, les femmes reprennent le mot d’ordre de Clara Zetkin « Guerre à la guerre ».

Affiche soviétique - 1932 (1)

Affiche soviétique – 1932 (1)

Le 8 mars 1917 (23 février du calendrier julien) en Russie, les ouvrières manifestent contre la vie chère et pour le retour de leurs maris partis au front. C’est le premier jour de la révolution russe de février.

En 1921, Lénine décrète le 8 mars « Journée des droits des femmes », journée fériée et rémunérée. Cette mesure se généralisera à tous les pays du « bloc de l’Est » dès 1946 et sera célébrée par un nombre de plus en plus important de pays par la suite.

Le 8 mars récupéré par les institutions

Sans doute, comme les années précédentes, le 8 mars sera commémoré par des médias comme le téléthon, CAP 48, la fête des mères, la fête des pères, la Saint-Valentin, le carnaval de Binche, même Google s’en empare, démagogie oblige. Ils jugeront inopportun de rappeler les luttes passées : meilleurs conditions de travail, droit de vote, droit à l’instruction, droit de disposer librement de son corps, égalité des droits…

Sans doute, comme les années précédentes, des discours officiels auront lieu par ceux-là mêmes qui facilitent les plans de licenciement, diminuent le montant des pensions de retraite dont les femmes sont les premières victimes, refusent de sanctionner pénalement et financièrement les employeurs qui discriminent les travailleuses, refusent l’ouverture de crèches publiques gratuites, restreignent le droit à l’avortement ou tentent de le remettre en cause, renchérissent l’accès à la contraception …

« Pourquoi des êtres exposés à des grossesses, et à des indispositions passagères,
ne pourraient-ils exercer des droits dont on n’a jamais imaginé de priver
les gens qui ont la goutte tous les hivers, et qui s’enrhument aisément ? »
Sur l’admission des femmes au droit de cité, CONDORCET 1790.

Alors inutile le 8 mars ?

Bien évidemment non, car il symbolise le combat de générations de femmes exploitées, car il rappelle que les luttes restent quotidiennes contre les inégalités, les violences faites aux femmes même si on assiste, depuis l’affaire H. Weinstein, à une prise de conscience à ce sujet.

Bien évidemment non, car ce sont les femmes qui subissent de plein fouet les régressions sociales, la pauvreté, les reculs de liberté.

Bien évidemment non, lorsque la situation des femmes dans d’autres parties du monde est particulièrement dramatique et exige notre solidarité.

Bien évidemment non, si le 8 mars reste le combat des progressistes contre les forces réactionnaires et non le symbole du combat des femmes contre les hommes.

Bien évidemment non, car pour tout Libre Penseur, l’égalité entre les femmes et les hommes est une question de démocratie, de justice sociale, d’humanité.

Alors oui, le 8 mars a sa raison d’être

Non pas comme une célébration, une fête où se précipitent les marchands de lessive, de fers à repasser, les bateleurs des plateaux télévisés, la presse « féminine » mais comme un appel à la solidarité entre les travailleuses et les travailleurs, entre les femmes et les hommes.

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(1) « 8 mars, jour de rébellion des travailleuses contre l’esclavage de la cuisine » Une travailleuse tend la main à une femme écrasée par les tâches domestiques et par une icône religieuse pour la libérer.