Déclaration des membres en Europe du Conseil international de l’AILP


Communiqué 5 septembre 2019

La situation qui se développe aujourd’hui partout en Europe et aussi dans le monde du point de vue de la place des religions dans le débat politique révèle des dangers sur lesquelles les organisations athées, humanistes, laïques et de libre pensée ont le devoir de s’exprimer. Il en va ainsi des mobilisations politiques utilisant la visibilité publique des religions pour leurs propres objectifs.

Les dizaines de milliers de manifestants nationalistes réunis en Pologne avec des slogans ouvertement racistes et xénophobes, aux frontières à l’occasion de l’anniversaire de la défaite navale des Turcs à Lépante (7 octobre 1571), ou le 11 novembre à Varsovie, les prises de position du gouvernement Hongrois sur la base de la constitution ultra-catholique, l’activité fébrile d’un ancien Premier ministre français contre les « musulmans » sont les manifestations d’une tendance réactionnaire qui se manifeste dans de nombreux pays. Elle se concrétise par un renouveau de la tendance à imposer dans l’espace public des symboles religieux chrétiens : il en va ainsi sur les itinéraires de randonnée, les sommets, le long des autoroutes, dans les écoles publiques en Italie, dans les Mairies et les bâtiments publics en France sur les places publiques…

En Pologne, le gouvernement ultra-conservateur utilise ce climat pour restreindre les libertés publiques (presse, avortement), en Espagne le gouvernement de M.Rajoy a redonné une place politique aux archevêques à l’occasion de la crise catalane, en France la sculpture du pape polonais Wojtyla, réalisée par un proche de Vladimir Poutine donne l’occasion aux conservateurs catholiques de s’allier à l’extrême-droite pour tenter de remettre en cause la loi de Séparation des Eglises et de l’État (Ploërmel).

Les législations nationales sont très diverses et l’existence de la Séparation des Eglises et de l’État est évidemment un point d’appui pour l’égalité des droits. Il n’empêche que cette offensive a des conséquences un peu partout : résistance des lords évêques au Royaume-Uni, discussion sur la « loi bioéthique » en France, sur l’État-civil ou la crémation en Grèce, sur la liberté de circulation dans de nombreux pays, sans compter l’horreur des 33 000 victimes noyées en Méditerranée, victimes indirectes d’une politique de forteresse que les plus réactionnaires des manifestants cléricaux revendiquent.

D’autre part, si une partie des intégristes chrétiens européens partage, ou s’engage volontairement dans la croisade des droites racistes et nationalistes, une autre partie, plus intelligente et plus civilisée, mais non moins insidieuse, tente de saisir l’occasion offerte par le nouveau pluralisme religieux européen, dont certains des protagonistes n’ont jamais eu à faire face à la laïcisation et à la sécularisation de nos sociétés, pour essayer de les remettre en cause et de les renverser : et même en utilisant des mots d’ordre faussement progressistes. Contrairement au premiers, ceux-ci seraient bien disposés à partager leurs privilèges avec les présences religieuses nouvelles – plus dynamiques et décomplexées ­- parce qu’ils comprennent que c’est le prix qui doit nécessairement être payé pour les garder, et pour essayer de restaurer la prédominance du religieux dans l’espace publique.

Bien qu’apparemment très différentes, ces deux stratégies convergent dans le but de détruire la laïcité et la neutralité des institutions publiques et de redonner aux citoyens croyants et à leurs croyances une dignité supérieure à ceux des citoyens non-croyants et des leurs modes de vie.

C’est pourquoi les membres en Europe du Conseil international de l’AILP proposent à toutes les organisations sceptiques, athées, humanistes, rationalistes et de Libre Pensée présentes en Europe de mener une campagne commune pour mettre un terme à cet envahissement significatif de l’espace public par les emblèmes et symboles religieux.

Elles agiront en ce sens, tant auprès des gouvernements nationaux qu’auprès des organisations internationales auprès desquelles elles peuvent être représentées.

5 septembre 2019