Frank Zappa, libre penseur


Frank Vincent Zappa est né le 2l décembre 1940 et décédé le 4 décembre 1993. Il est à mes yeux l’un des plus grands compositeurs, musiciens et guitaristes de notre époque. C’est avec un grand plaisir que, consultant le who’s who des athées, libres penseurs et laïques célèbres1, au siège de la Libre Pensée d’Alabama, j’y ai pu trouver en bonne place le nom de Frank Zappa.

Ses chansons sont une satire virulente des politiciens américains et aussi des religions. En même temps l’artiste est militant, il combat contre toute censure et l’ordre moral. C’est ainsi qu’il témoigne à plusieurs reprises contre l’association (the Parents’ Music Resource Center-PMRC) fondée par les femmes des élus républicains et démocrates, dont la femme d’Al Gore, qui veulent instaurer la répression contre des chansons réputées graveleuses. Il témoignera à plusieurs reprises contre ce projet de loi. Il dira par exemple : «Aucune loi n’interdit la masturbation, comment accepter une loi qui interdirait d’en parler dans les chansons ». Il vitupère « the brain Police », la police de la pensée.

Il envisage même de se présenter aux élections présidentielles de 1992, mais la maladie stoppera cette initiative. Il s’en prend aux deux partis institutionnels avec la même vigueur : « La position des Démocrates n’est rien de plus que « Je regrette de ne pas être Républicain » ». Pour lui, « la politique est le département loisirs de l’industrie ». Il dénonce sans relâche la drogue, interdisant à ses musiciens d’en consommer.

Il déteste les journalistes aux ordres, particulièrement les journalistes de rock : « Ce sont des gens qui ne savent pas écrire, racontant des histoires fondées sur les interviews de gens qui ne savent pas parler, dans le but d’amuser des gens qui ne savent pas lire ». La critique vaudrait pour beaucoup et pas seulement aux USA. Dans sa biographie, il cite Gustave Flaubert : « Certains deviennent critiques quand ils ne peuvent devenir artistes, comme d’autres deviennent espions quand ils ne peuvent devenir soldats ».

Pour l’Humanisme laïque

II fusille avec son ironie cinglante les Eglises et les prédicateurs en révélant une violation permanente de la loi américaine. Celle-ci prévoit que les religions peuvent obtenir un statut fiscal avantageux et dérogatoire à condition de ne pas faire de politique ni de soutenir des candidats. Pourtant la Christian Coalition appelle à voter pour Reagan. Il réclame l’application du Premier amendement et dénonce la violation religieuse de la loi fiscale.

Il fait une référence constante aux Pères fondateurs de la Nation américaine qui refusent l’emprise des Eglises. Pour la naissance de son fils Dweezil, il remplit les papiers à la maternité ; à la rubrique « Religion pratiquée », il répond : « Musicien ».

Par dérision, il fonde l’Eglise Américaine de l’Humanisme Laïque (CASH). Il l’enregistre en Alabama, l’un des Etats les plus réactionnaires, faisant partie de la Bible’s Belt (la ceinture biblique). Il sera, pour cela, l’objet d’incessantes poursuites judiciaires. Il gagnera les procès et dissoudra son « Eglise » après.

Il critiquera vertement les syndicats américains, car il est patron. Il s’en prendra aux dérives maffieuses, mais en même temps il dira : « Certains craignent que, si les syndicats viennent à disparaître, la protection sociale du travail régresse dramatiquement, avec résurgence du travail des enfants et cadences infernales à la clé. Je partage leur avis. Les gros employeurs ont défait une tendance naturelle à l’absence de scrupule, dès lors que personne ne se mêle de leurs oignon ».

Contre le militarisme

Peu de choses échappent à sa moquerie incendiaire : «J’ai une théorie : la consommation de bière implique un comportement pseudo-militaire. Les buveurs de rouge, eux, ne défilent pas au pas – voilà qui donne à réfléchir. Les accros du whisky ne défilent pas non plus (ils écrivent des poèmes, ce qui n’est pas toujours préférable). Les buveurs de bière se rencontrent toujours dans un contexte collectif, relevant plus ou moins de la marche militaire -exemple : les matchs de foot».

II s’en prend aussi aux projets militaristes de la guerre des étoiles, à l’enrôlement forcé des jeunes.Les paroles de ces chansons illustreraient bien les quatre piliers de la Libre Pensée : contre le cléricalisme des religions, pour l’athéisme, contre l’exploitation et contre les guerres.

Homme de grande culture, musicien et compositeur de talent, militant des libertés, de la démocratie et de la laïcité2, nous saluons en Frank Zappa un authentique libre penseur.

Christian Eyschen,  L’Eglise contre la Libre Pensée  p. 161-163.

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1. Warren Allen Smith : « Who’s who in hell » Barricade Books, New York.
2. Pour en savoir plus : « Zappa par Zappa » – L’archipel – 400 pages -21,50 € et « Zappa de Z à A » par Guy Darol et Dominique Jeunot – Le Castor Astral