Auguste Blanqui (1805-1881)


Auguste Blanqui est né le 8 février 1805 à Puget-Théniers (Alpes-Maritimes) et mort le 1er janvier 1881 à Paris. Son père Jean-Dominique Blanqui fut un Conventionnel qui subit la prison en 1793. Auguste Blanqui a toute sa place dans le Panthéon de la Libre Pensée, car il fut profondément athée et un adversaire résolu de la religion. On lui doit une partie de notre devise « Ni dieu, ni maître » qui fut reprise par le mouvement anarchiste, lui qui ne l’était nullement.

Il fut emprisonné pendant 35 années de sa vie, ce qui lui valut le surnom, bien mérité, de « l’Enfermé« . Il fut révolutionnaire socialiste français, souvent associé à tort |aux socialistes utopiques. Il défendit, pour l’essentiel, les mêmes idées que le mouvement socialiste du XIXe siècle. Il fit partie des socialistes non-marxistes. L’historien Michel Winock le classe comme un des fondateurs de l’ultragauche française qui s’oppose aux élections démocratiques, vues comme « bourgeoises », et qui aspire à l’« égalité sociale réelle ».

Citations de Blanqui

« Ni Dieu, ni maître » – titre du journal qu’il créa en 1880

« Le capital est du travail volé. » – Critique sociale

«L’idée de Dieu et les religions sont source et maintien de l’ignorance, de l’abrutissement, par conséquent de l’esclavage et de la misère. »

« Oui, Messieurs, c’est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l’ont voulu ainsi ; ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers, en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu’il se défend quand il est attaqué. »

« Qui a du fer a du pain… La France hérissée de travailleurs en armes, voilà l’avènement du socialisme. En présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra. Mais pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocats, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours. Que le peuple choisisse ! »

À l’âge de treize ans, Auguste monte à Paris. Pensionnaire à l’institution Massin où enseignait son frère Adolphe (futur économiste libéral), de sept ans son aîné, il suit les cours du lycée Charlemagne. Il étudie ensuite le droit et la médecine. Mais il se lance très tôt dans la politique, se faisant le champion du républicanisme révolutionnaire sous le règne de Charles X, de Louis. Philippe Ier, puis de Napoléon III. Ses opinions de jeunesse sont marquées par l’hostilité à la Restauration, et par conséquent par le bonapartisme, le courant républicain étant alors vraiment minoritaire. n devient athée. Il fréquente Jean-Baptiste Say, dont il connaît le fils par le lycée et dont Adolphe deviendra le disciple.

Tout juste âgé de dix-sept ans, il milite activement contre le procès des Quatre sergents de la Rochelle, condamnés à mort pour avoir adhéré à la société secrète de la Charbonnerie et fomenté des troubles dans leur régiment. Alain Decaux explique que « sa doctrine politique, selon laquelle un groupe restreint, mais résolu, de révolutionnaires, peut s’emparer du pouvoir, est assurément née de là [de son engagement dans le carbonarisme] ».

Les quatre sergents de la Rochelle

Dès 1821 , sous la Restauration, le 45e régiment d’infanterie en garnison à Paris inquiète les autorités militaires et civiles à cause de son mauvais esprit. En particulier, les soldats refusent de crier « Vive le Roi ». Aussi, afin de couper le régiment des mauvaises influences politiques (la caserne se situe en plein Quartier latin de Paris où les étudiants entretiennent la contestation), il est transféré à La Rochelle en janvier 1822.

Comme nombre de militaires hostiles à la Restauration monarchique imposée par l’ennemi vainqueur, quatre jeunes sergents nommés Jean-François Bories, Jean-Joseph Pommier, Marius-Claude Raoulx et Charles Goubin, âgés respectivement de 26, 25, 24 et 20 ans, ont fondé dans leur unité une vente de carbonari. À La Rochelle comme dans la capitale, les conspirateurs entendent bien poursuivre leur action clandestine. Mais quelque peu imprudents par leurs propos, les quatre compagnons sont dénoncés.

Pour l’exemple

Ils sont traduits en justice avec une vingtaine de complices, mais comme ils en ont fait solennellement serment lors de leur adhésion, les principaux accusés refusent de dénoncer leurs chefs malgré pressions et promesses de grâce. Ils paient donc pour ces derniers, au premier rang desquels figure le célèbre marquis de La Fayette (1757-1834). Faute de mieux, l’avocat général se contente d’évoquer par de transparentes allusions ces hauts responsables de la Chardonnerie qui, dans l’ombre, tirent les ficelles d’une insurrection dont ils espèrent bien profiter sans prendre de risques. Où sont ces seigneurs qui, dans l’insolence de leur turbulente aristocratie, disent à leurs serviteurs : – Allez tenter pour nous les hasards d’une insurrection dont nous sommes les actionnaires ! Nous paraîtrons au signal de vos succès… Si vous succombez dans une agression tumultueuse, nous vous érigerons, à grand bruit, des tombeaux ! »

Accusés de complot, ils sont traduits devant la cour d’assises de la Seine, condamnés à mort et guillotinés le 21 septembre 1822 en place de Grève à Paris. Comme ils n’avaient participé à aucune rébellion, les quatre sergents ont été considérés comme des martyrs par l’opinion publique. La jeunesse romantique exalta le sacrifice des jeunes héros et l’opposition (républicaine et bonapartiste) exploita cette affaire contre le gouvernement de la Restauration.

Les martyrs de la liberté

Des complaintes et des images entretiennent durablement le souvenir idéalisé des jeunes sacrifiés, dont le destin tragique et glorieux a fait des héros populaires ; des « saints républicains » en quelque sorte. On conserve pieusement les traces (quelques gravures témoignant de leur idéal) de leur emprisonnement : à la Tour de la Lanterne de la Rochelle (qui finit par porter leur nom), à Sainte-Pélagie, puis à Bicêtre. « Aux Quatre Sergents de la Rochelle » : en se rebaptisant ainsi, des cabarets affichent leur opinion. Des mains anonymes fleurissent régulièrement l’emplacement du cimetière du Montparnasse où leurs dépouilles furent transférées en 1830, puis solennellement honorées en 1848. Un monument y perpétue leur souvenir (8e division), en bordure de la voie qui porte le nom d’ »Allée des Sergents de La Rochelle ». Le 21 septembre 1830 une cérémonie en place de Grève rappela le sacrifice des quatre sergents. (Source : Wikipédia)

Carbonaro depuis 1824, au sein de cette organisation secrète en lutte contre la restauration monarchique, Auguste Blanqui est mêlé à toutes les conspirations républicaines de son époque. Dès lors, se succèdent contre lui complots, coups de force manques et emprisonnements. En 1827, il est blessé par trois fois, dont une blessure au cou, lors des manifestations d’étudiants au Quartier latin. En 1828, il projette une expédition en Morée pour aller aider la Grèce insurgée. Il part avec son ami et camarade d’études Alexandre Plocque. Le voyage s’achève à Puget-Théniers, faute de passeport. Il entre au journal d’opposition libérale de Pierre Leroux Le Globe fin 1829. En 1830, on le compte dans les rangs de l’association républicaine la plus séditieuse, connue sous le nom de Conspiration La Fayette, qui joue un grand rôle dans la préparation de la Révolution de 1830 à laquelle il participe activement. Après la révolution, il adhère à la Société des amis du peuple ; il se lie avec d’autres opposants au régime orléaniste : Buonarroti (1761-1837), Raspail (1794-1878) et Barbes (1809-1870), entre autres.

Après 1830, encore étudiant, Blanqui fait le constat que la révolution ne pourra traduire la volonté du peuple que par la violence : « l’interdiction politique », qui place le peuple sans garantie, sans défense devant « l’odieuse domination des privilégiés », conduit fatalement à la lutte. Il fut, en conséquence de ses tentatives insurrectionnelles, emprisonné une grande partie de son existence. (Source : Wikipédia)

Le 12 mai 1839, de retour à Paris, avec Armand Barbes et Martin Bernard, il participe à l’insurrection qui s’empare du Palais de justice, échoue à prendre la Préfecture de police, et occupe un instant l’Hôtel de ville. On comptera 50 tués et 190 blessés. Après l’échec de l’émeute, il reste caché cinq mois, mais il est arrêté le 14 octobre.

Après 1830, encore étudiant, Blanqui fait le constat que la révolution ne pourra traduire la volonté du peuple que par la violence…

Le 14 janvier 1840, il est condamné à mort. Sa peine étant commuée en prison perpétuelle, il est enfermé au Mont-Saint-Michel. Sa femme, Amélie-Suzanne Serre, meurt alors qu’il est emprisonné en 1841… En 1844, son état de santé lui vaut d’être transféré à la prison-hôpital de Tours, où il reste jusqu’en avril 1847. À la suite d’un appel à la libération de Blanqui par le journal La Réforme (auquel participaient des républicains et des socialistes tels Louis Blanc, Arago, Cavaignac, Pierre Leroux, etc.), Louis-Philippe le gracie. Blanqui refuse sa libération : il demande qu’on dise qu’il « revendique toute solidarité avec [ses] complices » ; la lettre de son refus est publiée dans La Réforme. Le garçon né de son union avec Amélie, Estève (né en 1834), est éduqué par les parents Serre (les parents d’Amélie) et Auguste Jacquemart, le tuteur.

Il pressent alors que son fils va être éduqué de façon non conforme à ce qu’il souhaiterait (Blanqui réprouve le fait que son fils soit baptisé par exemple), sans doute même « contre [lui]« . (Source ibid.)

Le 31 mars 1848, parait le fameux document Taschereau qui accuse, de fait, Blanqui d’avoir parlé à la police pour dénoncer des militants. L’Enfermé ne cessera de nier tout au long de ce qu’il va rester de sa vie. Il demandera que se constitue un jury d’honneur qui l’opposera à Barbes dont il soupçonne d’être l’instigateur de la provocation contre lui. Ils sont tous les deux alors emprisonnés à Belle-île. Barbes refusera.

Cette question d’un jury d’honneur pour jeter la lumière sur des accusations entre militants sera aussi utilisée dans le cas d’une controverse entre Bakounine et Marx. Cela fait partie des traditions du mouvement ouvrier, afin d’éviter de mêler la justice bourgeoise aux affaires du mouvement ouvrier.

Blanqui est libéré à la suite de l’amnistie de 1859… Il est tout de même surveillé. Révolutionnaire toujours, dès sa libération il reprend sa lutte contre l’Empire. Le 14 juin 1861, il est arrêté, condamné à quatre ans de prison et enfermé à Sainte-Pélagie. Il s’évade en août 1865 pour la Belgique et continue sa campagne de propagande contre le gouvernement depuis son exil, jusqu’à ce que l’amnistie générale de 1869 lui permette de revenir en France. C’est au cours de ces années qu’un parti blanquiste naît et s’organise en sections. Blanqui acquiert quelques disciples ; il a notamment une forte influence dans la jeunesse étudiante. On peut citer parmi les blanquistes Paul Lafargue et Charles Longuet (tous deux socialistes français, futurs gendres de Marx) ou encore Vaillant et Georges Clemenceau (il y a une brouille tôt dans leurs relations du fait que Clemenceau se rapproche de Delescluze, socialiste révolutionnaire détesté par Blanqui. Mais l’admiration que chacun a pour l’autre demeure).

Le penchant de Blanqui pour l’action violente s’illustre en 1870 avec deux tentatives d’insurrection avortées : la première, le 12 janvier lors des funérailles de Victor Noir, journaliste tué par le prince Pierre Bonaparte, (celui-ci n’est rien moins que le fils de Lucien Bonaparte, donc neveu de Napoléon Ier et cousin de Napoléon III). La seconde a lieu le 14 août, lorsqu’il tente de s’emparer d’un dépôt d’armes dans une caserne de pompiers, il ne dirige qu’une centaine d’hommes parmi lesquels Jules Vallès ; c’est Blanqui qui a décidé du plan d’action, il est le véritable meneur et refuse le plan qui lui est soumis, celui d’aller prendre le château de Vincennes.

Il compte sur le ralliement du peuple, la caserne étant située dans le quartier ouvrier de La Villette… Certains d’entre eux sont arrêtés, mais pas Blanqui. Les républicains modérés, notamment Gambetta et Favre, condamnent cette tentative d’insurrection. Aidé par George Sand, par Michelet, par Ranc et par Gambetta, Blanqui arrive à arracher que les condamnés obtiennent un sursis. Ceux-ci sont délivrés avec la proclamation de la République. (Source Ibid.)

Blanqui quittera alors Paris pour Bordeaux. Le 9 mars 1871 tombe sa condamnation à mort, décidée par Adolphe Thiers. Il est arrêté le 17 mars 1871, alors qu’il se soigne chez un ami. Il est enfermé à Cahors. La crainte des futurs Versaillais est que Blanqui devienne le chef de la Commune de Paris. Karl Marx dira d’ailleurs qu’il fut le chef qui manqua à l’insurrection parisienne.

En 1871, Paris s’embrase. Le peuple s’insurge contre un gouvernement fraîchement élu, issu de la bourgeoisie. Des sièges s’organisent, des élections ont lieu. La Commune de Paris sera l’une des plus importantes révolutions du dix-neuvième siècle et finira en massacre. Paradoxalement, l’homme qui passa toute sa vie à espérer cet événement est, lui, en prison. D ne pourra donc pas participer à la Commune, alors qu’il avait grandement participé à son organisation.

Condamné à la déportation, il est interné à Clairvaux en raison de son âge. Élu à Bordeaux en avril 1879, il est invalidé, mais gracié et libéré en juin. En 1880, il lance un journal, « Ni Dieu ni maître », qu’il dirige jusqu’à sa mort. Sa principale publication, Critique sociale (1885), est posthume.

Les relations entre Marx et Blanqui ne seront que purement conjoncturelles. Blanqui est un jacobin radicalisé, Marx est un révolutionnaire communiste, ils feront cependant un bout de chemin dans l’Association Internationale des Travailleurs où, en s’alliant, ils battront Bakounine et ses partisans qui seront de fait ensuite expulsés de la Première Internationale. Mais l’union entre les marxistes et les blanquistes ne survivra pas à cet épisode.

« Une vie d’homme peut ressembler à cela, c’est énorme et pourtant jamais écrasant! Auguste Blanqui habita une douleur, «ce fruit immortel de la jeunesse » selon René Char. Jamais fait, Blanqui – tant pis pour ceux qui tant de fois l’ont cru refait ! – toujours à naître ; jamais empêtré dans ses échecs -et ils furent nombreux !-, toujours à la proue, là où le navire fend l’eau des jours. Le Mont-Saint-Michel, Bette-île-en-Mer, le fort du Taureau, ces trois prisons aux terribles conditions d’existence ont scandé la vie d’Auguste Blanqui et la ronde des défaites (1830, 1848, 1871). » (par Gustave Geffroy). Mais Blanqui resta toujours debout, comme un combattant de la classe ouvrière qu’il était.

Auguste Blanqui combattra de manière acharnée pour l’amnistie générale des Communards, ce qui sera fait par la loi du 11 juillet 1880. Il aura obtenu au moins cela, il meurt d’une congestion cérébrale le 1er janvier 1881. Il est enterré au Père Lachaise dans une tombe impressionnante. Les blanquistes vont beaucoup apporter au mouvement ouvrier. Ils s’illustreront en 1906 dans l’adoption de la Charte d’Amiens.

Christian Eyschen
Auguste Blanqui (1805-1881) p. 178-185 in Les martyrs de la libre pensée. De l’antiquité à nos jours.
Editions de la Libre Pensée – 2018 – 16€

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