LA GRÉVE GÉNÉRALE CONTRE LA GUERRE!
Intervention de J. Jaurès au congrès de Stuttgart 1ère commission, 20 août 1907.
L’essence du capitalisme est de produire des guerres. C’est la loi d’airain de la guerre, mais le socialisme international peut y mettre le holà. Il dépend du prolétariat de tenir en échec les forces de brigandage et de conflit. C’est d’autant plus facile que le mobile capitaliste des guerres apparaît mieux à découvert. Tant que les nations ont eu besoin de la force sous le prétexte d’unité nationale, telle l’Italie et l’Allemagne, des raisons nationales ont pu couvrir des combinaisons gouvernementales, mais, maintenant que les grands peuples d’Europe sont constitués, il n’y a plus que des guerres capitalistes et il dépend du prolétariat de briser la loi d’airain de la guerre.
Le prolétariat serait criminel s’il hésitait.
Ne dites pas qu’il y a déviation de la lutte des classes. Le capitalisme n’est pas un Dieu enfermé dans son sanctuaire. Il faut l’atteindre dans tous ses organes et dans toutes ses manifestations. Quand nous poursuivons notre action antimilitariste, quand nous osons entreprendre une politique réformiste, nous attaquons, au cœur, le capitalisme. Bebel1, dans son discours inaugural, a passé en revue toutes les victoires de notre parti. Il serait extraordinaire après cela de dire que nous sommes sans influence contre la guerre. Nous ne vous demandons aucun moyen nouveau. Nous vous demandons de mettre au service de l’antimilitarisme la force politique et parlementaire du prolétariat. Mais l’action parlementaire ne suffit plus au prolétariat dans aucun domaine. Il veut fortifier cette action par la sienne propre, qu’il s’agisse de conquérir le suffrage universel ou de briser le tsarisme. La classe ouvrière veut intervenir, agir elle-même. Le prolétariat veut être l’acteur de son propre drame.
Nous n’innovons donc rien en demandant d’appliquer, à l’écrasement de la guerre, les moyens d’action que le génie ouvrier a créés (…)
1. August Bebel (1840-1913) a été président du Parti Social-démocrate allemand (SPD).
Jean Jaurès – La classe ouvrière – Madeleine Rebérioux – Petite Collection Maspero
Le 25 juillet 1914, Jean Jaurès quelques jours avant son assassinat :
« Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwärts1, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre Bureau Socialiste International est convoqué.
Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.
J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix. »
1. Vorwärts: (En Avant!) Journal allemand, Engels y publia des articles, K. Liebknecht en fut le rédacteur. Vorwärt s’opposait à la guerre.
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