Qu’as-tu appris à l’école ? Essai sur les conditions éducatives d’une citoyenneté critique
Nico Hirtt ; Jean-Pierre Kerckhofs, Philippe Schmetz
édition Aden, Bruxelles. 223 pages, 16€
L’ouvrage que Nico Hirtt, Jean-Pierre Kerckhofs et Philippe Schmetz […] est un jalon important dans l’histoire de l’Aped. Sous le titre « Qu’as-tu appris à l’École ? », ils synthétisent vingt années de réflexion et de débats sur ce que signifie une vision progressiste de l’instruction et de l’éducation. A quoi doit servir l’École dans ce monde en crise(s) profonde(s) ? Simple mais vaste question, qui méritait une réponse à la fois forte et approfondie.
« Plus que jamais, l’enseignement est l’objet de débats acharnés. D’un côté, les nostalgiques de l’École de Bon Papa, pour qui toute réforme s’apparente à une trahison, toute démocratisation à un « nivellement par le bas ». En face, ceux qui estiment, parfois bien imprudemment, que l’école doit s’adapter à une société en évolution rapide ; ils veulent abandonner la « forme scolaire » classique, avec ses programmes de savoirs disciplinaires structurés, au profit d’un enseignement plus informel et plus individualisé, centré sur l’exercice des « compétences » et de la flexibilité. Entre ces deux camps, il y a les champions du réalisme et du consensus, les troupes de choc des cabinets ministériels, ceux qui promettent la révolution dans la continuité, le grand chambardement sans rien changer, l’École de l’excellence qui fera plaisir à tout le monde.
Mais une question essentielle reste systématiquement en dehors du débat : à quoi sert l’École ? Nul ne l’aborde, parce que tous considèrent la réponse comme évidente : nous envoyons les enfants à l’école afin qu’ils s’intègrent le mieux possible dans notre société ou, pour le dire autrement, afin que cette société fonctionne le mieux possible.
Les auteurs de cet ouvrage estiment qu’il faut prendre l’exact contre-pied de cette apparente évidence. La société actuelle nous entraîne tout droit vers des catastrophes sociales, environnementales, climatiques, économiques, culturelles et guerrières. L’éducation ne devrait donc pas viser à préserver cette société mais armer les jeunes pour la changer. L’École ne doit pas empêcher les jeunes de se révolter ; mais elle doit leur donner les moyens intellectuels de le faire autrement que par le Jihad en Syrie ou par la fuite dans drogue.
Cette conception éducative, visant à favoriser une citoyenneté résolument critique et active, est analysée ici dans toutes ses implications : en quoi se distingue-t-elle radicalement des autres discours sur l’éducation ? Quelles connaissances, quels savoir-faire, quelles valeurs implique-t-elle de transmettre et de développer ? Quelle place réserve-t-elle à une formation polytechnique ? Quelles pratiques pédagogiques suppose-t-elle ? Quelles transformations de la « forme scolaire » classique impose-t-elle ?
Depuis vingt ans qu’existe l’Aped, nous n’avons eu de cesse de stigmatiser les évolutions néfastes de l’École : les inégalités sociales, la dérive marchande, le sacrifice des savoirs aux compétences, la citoyenneté moutonnière, les conditions de travail dégradées des professeurs, le définancement… Mais nous ne nous sommes pas contenté de formuler des critiques. Nous avons produit des projets de réformes, nombreux, audacieux : consacrer au moins 7% du PIB à l’Éducation, fusionner les réseaux, proposer une école au lieu d’attendre que les parents la choisissent, l’école commune jusqu’à 16 ans, l’école ouverte le soir, les week-end, un moratoire sur l’ « approche par compétences », des classes de 15 élèves en début de scolarité, etc.
Mais il y a encore plus important que ces questions « techniques ». Les structures du système éducatif, son mode d’organisation et de pilotage, le financement, les méthodes pédagogiques,… tout cela n’a de sens qu’en fonction de la question éminemment plus fondamentale que pose ce livre : à quoi sert l’école ? Que faut-il y enseigner ? Quels savoirs, quels savoir-faire, quelles valeurs, quelles règles de comportement, l’École doit-elle transmettre ?
Ces questions-là ont toujours figuré au cœur de la réflexion politico-éducative de l’Aped. Le présent ouvrage en propose une synthèse. Ce faisant, les auteurs n’ont évidemment pas la prétention de clore le débat sur l’École ; ils veulent au contraire l’ouvrir enfin sur les questions essentielles. »
Nico Hirtt est un professeur de physique et de mathématiques, aujourd’hui à la retraite, chargé d’étude à l’Appel pour une école démocratique (Aped). Ses travaux et ses nombreux ouvrages, notamment sur la marchandisation de l’enseignement, ont été traduits dans plusieurs langues.
Jean-Pierre Kerckhofs est professeur de physique. Il assure aujourd’hui la présidence francophone de l’Aped. Il a réalisé, avec Nico Hirtt, une importante étude sur les inégalités sociales dans l’enseignement
Philippe Schmetz est professeur de français, membre fondateur de l’Aped. Il est l’auteur de nombreux articles sur le sens d’une éducation citoyenne critique.
L’ouvrage peut être commandé sur le site de l’APED : http://www.skolo.org/spip.php?article1806
Sommaire:
Chapitre 1. Le tableau noir de l’École
Les champions de l’inégalité scolaire Ce que PISA ne mesure pas Une enquête belge inquiétante Pourquoi faut-il choisir entre le latin et la plomberie ? Qui éduque nos enfants ? Ce que vous trouverez dans cet ouvrage
Chapitre 2 . Qui a eu cette idée folle ?
Quand éducation et formation étaient inséparables L’aliénation machiniste Invention d’une socialisation sans formation L’École, appareil idéologique d’État Formez ! Sélectionnez ! Crises, compétences et compétition
Chapitre 3 . Une institution pétrie de contradictions
L’éducation du peuple et celle des autres Des fonctions contradictoires Surtout pas trop d’instruction… …ni de formation polytechnique
Chapitre 4 . Reproduire ou émanciper ?
Quel est ce prince que vous me demandez de servir ? Le bilan désastreux du capitalisme moderne Un système voué à disparaître L’enseignement, sauveur suprême ? Pour changer le monde, il faut le comprendre École et démocratie Instruire, éduquer et former
Chapitre 5 . Savoir et comprendre pour agir
Exprimer sa pensée, comprendre celle des autres Passé, présent : le cheminement des sociétés Citoyenneté critique : la conscience des racines de la pensée D’où viennent les richesses et où vont-elles ? Observer, déduire, comprendre Vivre dans son milieu : de sa rue à l’univers Rigueur, rationalité et plaisir des maths Les langues des autres, la langue de tous L’art, éveilleur de consciences
Chapitre 6. Réconcilier l’École et l’outil
L’exemple des TIC, ou ce qu’il ne faut surtout pas faire La technologie et la mécanique de l’histoire Techniques et technologies de la vie quotidienne Les ateliers scolaires Cours théoriques et visites de sites de production Participation au travail productif
Chapitre 7. Unité théorie-pratique… en théorie
Du savoir empirique au savoir théorique Savoir-faire et savoir pratique La pratique : source, sens, juge et destin du savoir Unité dialectique de la théorie et de la pratique
Chapitre 8. Unité théorie-pratique… en pratique
L’école polytechnique dans la tradition marxiste Kerschensteiner et la Arbeitsschule L’éducation nouvelle c’est l’émancipation Quel constructivisme ? Le délire des compétences Ce que nous enseigne Vygotski
Chapitre 9. Tous capables !
QI ou intelligences multiples ? De la pédagogie différenciée à la sélection Tous capables ! Intelligence(s) et classes sociales Les héritiers Théorie et pratique pour tous
Chapitre 10. Une tout autre École
Suffira-t-il d’interdire les échecs et les réorientations ? Repenser la collectivité éducative du XXIe siècle L’école commune L’École ouverte sur la vie sociale, sur l’espace et sur le temps Reconnaître l’École, c’est la doter de moyens Tout cela est-il politiquement réaliste ?
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