Compte-rendu de la conférence-débat (affiche ci-dessous) animée par M. Godicheau à Bruxelles le 2 décembre 2016
Le sous titre de cette conférence aurait pu être : L’Union européenne, c’est l’Europe Vaticane !
M. Godicheau, dès le début de la conférence, entreprend de démonter certaines erreurs, si ce n’est des mystifications bien entretenues.
« L’Union européenne, c’est l’Europe ? »
Non, l’Europe est un espace géographique. L’Union européenne est une institution politique supranationale, construite par des hommes. Cette construction, elle, peut-être rejetée par les peuples (Brexit).
Ainsi, pour le sujet qui nous occupe ici, si par Europe on entend simplement un espace géographique, la question peut se poser de savoir si cet espace pourrait être un espace de laïcité. Par contre, s’il est question de l’Union européenne, politique, institutionnelle, inutile de se poser la question : cette «Europe» là ne sera jamais laïque (1). Cette Europe est cléricale, antisociale, aux antipodes de la démocratie. C’est l’Europe Vaticane. (2)
L’Union Européenne est composée actuellement de 27 pays. L’écrasante majorité des pays, hormis la France sur le plan formel, connaissent soit des religions d’Etat, soit des Eglises d’Etat, soit des concordats. Ainsi le Portugal, censé être laïque depuis la Révolution des œillets en 1974, a gardé le concordat corporatiste et fasciste conclu en 1929 sous Salazar et l’a élargi en 2004 ; l’Allemagne a pérennisé le concordat hitlérien de 1934 et, avec lui, l’impôt de l’Église ; l’Italie, en 1984, a amendé en faveur du Vatican le concordat fasciste de 1929, sous un gouvernement socialiste.
« L’Union européenne, facteur de paix ? »
Étonnante affirmation. M. Godicheau rappelle la participation active de pays de l’U.E à des guerres contre d’autres peuples (guerre de dislocation de l’ex-Yougoslavie), la Grande-Bretagne contre l’Argentine (Guerre des Malouines) contre les républicains irlandais. L’Espagne et son expédition coloniale sur l’île marocaine Leïla (Persil) en 2002. La France au Mali, en Syrie…. La Belgique, en Syrie, en Afghanistan. Et cetera. Où est la paix ?
« L’Union européenne, c’est le progrès, c’est la démocratie ? »
Où est le progrès lorsque le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé, lorsque le taux de pauvreté explose, lorsque les peuples du Portugal, d’Espagne, de Grèce, d’Irlande sont « affamés » par l’Union européenne (et aussi par le FMI et la Banque Mondiale).
Où est la démocratie lorsque les peuples danois, français, hollandais et irlandais rejettent les décisions de l’Union européenne et que celle-ci les impose comme de véritables ukases ! Ne discutons même pas des technocrates européens, n’ayant aucun mandat électif, qui dirigent l’Europe politique.
« L’Union européenne, c’est l’Europe vaticane! »
Dès les origines, de nombreux hommes politiques démocrate chrétien sont très largement impliqués dans tout le processus de création et de développement de l’U.E. Ils n’auront de cesse d’intégrer dans ce processus l’idéologie et les valeurs de l’Église catholique, et notamment la Doctrine Sociale de l’Église qui n’est pas une des moindres! Dans ce domaine, on a en mémoire les noms de célèbres «pères fondateurs», tels que R. Schuman – catholique militant qui vota les pleins pouvoirs à Pétain -, K. Adenauer, A. de Gasperi – trois tonsures sous la même calotte – (3) et J. Delors.
Lors des discussions relatives à la Constitution de l’Union européenne, les forces cléricales exigeaient que soit inscrite dans le préambule de la Constitution la notion d’un «dieu révélé». Le Vatican demandait l’inscription suivante : «le christianisme est l’héritage culturel des peuples en Europe» dans le traité de Maastricht. Le Vatican n’étant pas un Etat, ce sont des pays comme l’Allemagne, l’Italie… qui déposèrent cette demande. Demande qui fut intégrée dans les textes européens «L’Union respectera et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Eglises et les associations ou communautés religieuses dans les Etats membres » (article 17 du traité de Lisbonne alinéa 1).
Rendue définitive, lors de son intégration dans les textes, cette demande a comme conséquence qu’aucun peuple, aucun Etat, aucune nation ne pourra jamais remettre en cause les religions d’Etat, les concordats, les impôts d’Eglise, etc, les privilèges financiers que s’arrogent les Eglises !
La religion est bien au cœur du Traité Constitutionnel (Lisbonne). L’article 17-C stipule qu’il doit y avoir un «dialogue ouvert, transparent et régulier avec les religions». Il officialise les religions dans les institutions, l’ancrage des privilèges des Eglises. C’est la négation de la liberté de conscience des citoyens.
Même si la référence aux racines chrétiennes de l’Europe a été atténuée – tant la colère des peuples était présente – l’Union européenne ne sera pas une institution laïque du fait de cet article 17-C mais également pour une seconde raison : le principe de subsidiarité, principe clé de la doctrine sociale de l’Église (article 17 du traité de Lisbonne alinéa 3).
Le principe de subsidiarité est le levier de l’U.E. pour démanteler les services publics, le caractère national des acquis sociaux, en un mot l’égalité des citoyens. Ce principe est directement issu de la Doctrine sociale de l’Église catholique (Rerum Novarum, Léon XIII en 1891) et actualisé par l’Encyclique Papale Quadragessimo Anno de Pie XI en 1931. Il énonce «Que l’autorité publique abandonne aux groupements de rang inférieurs le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra, dès lors, assurer plus librement, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle parce qu’elle seule peut les remplir : diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportement, les circonstances ou la nécessité l’exigent ». Pour rappel, le modèle économique et social mis en avant par le pape est à cette époque le fascisme italien et les syndicats verticaux corporatistes.
Ce concept de subsidiarité fut introduit dans les textes européens sous la formule suivante : «Ne jamais confier à un organisme de rang supérieur ce qui peut être fait par un organisme de rang inférieur». A première vue, ce postulat relève du bon sens mais à y regarder de plus près on se rend vite compte que c’est un principe réactionnaire.
Si l’on prend le cas de la France – mais on peut observer le même phénomène dans les autres pays – les révolutionnaires de 1789 en proclamant la République, en inventant les services publics, ont réalisé ainsi la démocratie et permis l’égalité effective des citoyens. Tout le contraire de l’Ancien Régime. L’U.E. en imposant la subsidiarité comme mode de fonctionnement détruit les services publics en les privatisant totalement ou partiellement, remettant ainsi en cause l’égalité des citoyens.
C’est au nom de ce principe de subsidiarité que quasi tous les services publics ont été privatisés.
Pour conclure son exposé, M. Godicheau insiste : la subsidiarité c’est non seulement la destruction d’acquis sociaux de la classe ouvrière mais c’est aussi le renforcement des pouvoirs régaliens de l’État pour «diriger, surveiller, stimuler, contenir» comme le disait Pie XI! On n’est loin de la séparation des Eglises de l’Etat.
Un débat avec l’orateur a clôturé la conférence.
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1.M. Godicheau rappelle que le drapeau européen à douze étoiles est le symbole, revendiqué par leurs auteurs, du culte marial !
2. Pour la laïcité en Europe. Editions Libres Pensées. – 2015 – 228p. – 12€
3.Les Hommes du Vatican… et leurs bedeaux politiques. Les Editions libertaires. – 2015 – 542 p. 16€.
La Sainte-Alliance des clergés contre la
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