Dans cet ouvrage monumental, l’auteur traite de la question de l’esclavage dans l’Islam. Ce n’est pas une mince question. Malek Chebel s’est dépensé sans compter pour écrire ce livre : 120 000 km effectués et il a visité la moitié au moins de la planète musulmane. Tous les pays sont passés en revue et à la fin de cette somme, il y a le « dossier noir » de l’esclavage avec un certain nombre de documents utilisés et plusieurs dictionnaires pour faciliter la compréhension du lecteur.
Si, formellement, le Coran traite de cette question très souvent sous l’angle de l’émancipation et de l’affranchissement, la pratique réelle est toute autre. L’esclavage est bien antérieur à l’apparition de l’Islam, et celui-ci n’a fait gérer la suite sans s’opposer frontalement à cette pratique. L’esclave est à la fois le plus vil des humains, mais aussi le plus précieux des objets. Il est l’exact reflet de la société despotique qui l’exploite.
Pourtant, l’Islam a su intégrer et libérer les esclaves, même s’il se perpétue quasiment partout un esclavage dit de « traîne » qui fait que lorsqu’on est esclave un jour, on le reste, sous une forme ou sous une autre. L’esclavage sexuel se perpétue sous la forme des mariages de complaisances et des mariages temporaires qui sont de la pure hypocrisie.
Il y a, par ailleurs, une véritable hiérarchie dans l’asservissement : en haut, les blancs, en bas les noirs. Au Koweït, Qatar, Arabie Saoudite, Dubaï, le salariat opprimé a remplacé l’esclavage, mais la condition de l’opprimé est la même, sinon pire parfois. La domesticité est le nouvel esclavage des villes. La Doctrine sociale de l’islam n’a rien à envier à celle de l’Église catholique. Elle n’est que soumission à l’ordre établi et aux puissants.
On connaît la Sourate des abeilles : certaines sont faites pour être ouvrières, d’autres pour être reines. On ne doit rien y changer. La XVI, 73 indique : « Dieu a favorisé les uns par rapport aux autres en matière de richesse et de biens. Ceux qui ont été favorisés vont-ils jusqu’à partager leurs biens avec leurs esclaves de sorte qu’ils deviennent leurs égaux ? Douteraient-ils des bienfaits de Dieu ? »
La XLIII, 32 complète : « Sont-ils les détenteurs de la miséricorde du Seigneur ? Alors que c’est nous qui les avons dotés des biens de ce monde avant d’en élever certains plus haut que d’autres, de façon que les premiers prennent les seconds en obéissance. La miséricorde de Dieu vaut bien plus que ce qu’ils amassent. » En conséquence, tout le monde l’aura compris, il ne faut rien changer à ce que Allah a décidé.
À la fin de son livre, Malek Chebel a le secret espoir que l’esprit (le Coran) finira par transformer la matière (l’esclavage). Il lance ainsi un « appel à la conscience des gouvernements musulmans actuels » pour cela. Pour sa part, la Libre Pensée ne compte que sur l’action des hommes pour obtenir l’émancipation humaine et non sur un quelconque « souffle divin ». Détail amusant, l’auteur cite un proverbe africain : « L’habit ne fait pas le moine, mais il fait l’imam ». Est-ce si sûr ?
Christian Eyschen
L’esclavage en Terre d’Islam par Malek Chebel – Éditions Fayard – 500 pages – 24 €
La Raison n°605 – novembre 2015
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