Le Président de la République a donc été reçu par la Conférence des Evêques de France au Collège des Bernardins. C’était la première fois qu’un Président de la République répondait favorablement à une telle invitation. C’est indéniablement une entorse flagrante au principe de Séparation des Eglises et de l’Etat (Loi du 9 décembre 1905).
Cette « reconnaissance » d’une religion a été confirmée par le Président des Evêques : « Votre présence nous honore et manifeste les relations anciennes et renouvelées entre l’État et l’Église Catholique. » Rappelons que c’est Lionel Jospin, alors Premier ministre qui avait institué une structure de dialogue permanent avec l’Eglise catholique en 2002.
Emmanuel Macron a inscrit ses pas dans la même démarche : « Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, sans doute, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer…. Un Président de la République prétendant se désintéresser de l’Église et des catholiques manquerait à son devoir. »
C’est bien d’une violation de la loi de Séparation qu’il s’agit. Mettre sur le même plan, l’Eglise et les catholiques, c’est confondre l’institution cléricale qu’est l’Eglise catholique et des citoyens qui sont catholiques. Il y a une loi de Séparation entre les Eglises et l’Etat, pas entre les citoyens-croyants et l’Etat.
Le lien entre l’Eglise et l’Etat, ce fut notamment le Concordat et avant lui « le Roi de droit divin ». S’agit-il de réparer ce lien en remettant en cause la loi de Séparation qui a, effectivement, cassé le lien entre l’Etat et l’Eglise ? On comprendrait alors, enfin, la formule de son Ministre Darmanin : « Il faut renforcer la loi de 1905 par un concordat avec l’Islam ».
Comme toujours, pour commettre un forfait politique, l’Histoire doit être revisitée. Ainsi pour Emmanuel Macron, l’Histoire se résume à l’histoire de l’Eglise catholique : « Je suis convaincu que les liens les plus indestructibles entre la nation française et le catholicisme se sont forgés dans ces moments où est vérifiée la valeur réelle des hommes et des femmes. Il n’est pas besoin de remonter aux bâtisseurs de cathédrales et à Jeanne d’Arc : l’histoire récente nous offre mille exemples, depuis l’Union Sacrée de 1914 jusqu’aux résistants de 40, des Justes aux refondateurs de la République, des Pères de l’Europe aux inventeurs du syndicalisme moderne…. » Il est clair aussi que pour Emmanuel Macron l’Histoire de France commence et finit avec l’Eglise : rien avant, rien après.
Tout le programme réactionnaire du Président de la République est ainsi résumé : Union nationale pour les OPEX et les opérations militaires néocoloniales, la refondation encore plus bonapartiste et corporatiste des institutions de la Vème République, remettre en cause la laïcité de l’Ecole et de l’Etat, sauver l’Europe vaticane et amplifier la destruction des acquis sociaux avec l’aide des « syndicalistes modernes » qui accompagnent et signent tout ce que demandent gouvernement et patronat.
La révision des lois bioéthiques : la grande peur de l’Eglise
Georges Pontier, au nom des Evêques a accueilli Emmanuel Macron en lui indiquant l’objet de cette invitation : « Nous avons déjà des lois récentes sur d’autres sujets essentiels pour la société qui n’ont pas eu le temps de porter leurs fruits et voilà que certains souhaiteraient qu’on légifère encore. Est-ce bien raisonnable ? »
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a été entendu par le Président de la République : « Vous avez ainsi établi un lien intime entre des sujets que la politique et la morale ordinaires auraient volontiers traités à part. Vous considérez que notre devoir est de protéger la vie, en particulier lorsque cette vie est sans défense. Entre la vie de l’enfant à naître, celle de l’être parvenu au seuil de la mort, ou celle du réfugié qui a tout perdu, vous voyez ce trait commun du dénuement, de la nudité et de la vulnérabilité absolue. Ces êtres sont exposés. Ils attendent tout de l’autre, de la main qui se tend, de la bienveillance qui prendra soin d’eux. Ces deux sujets mobilisent notre part la plus humaine et la conception même que nous nous faisons de l’humain. Et cette cohérence s’impose à tous.
Alors j’ai entendu, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, les inquiétudes montant du monde catholique. Et je veux ici tenter d’y répondre, ou en tout cas d’y donner notre part de vérité et de conviction. C’est parce que je suis convaincu que nous ne sommes pas là face à un problème simple qui pourrait se trancher par une loi seule. Mais nous sommes parfois face à des débats moraux, éthiques profonds qui touchent au plus intime de chacun d’entre nous.
J’entends l’Église lorsqu’elle se montre rigoureuse sur les fondations humaines de toute évolution technique. J’entends votre voix lorsqu’elle nous invite à ne rien réduire à cet agir technique dont vous avez parfaitement montré les limites. J’entends la place essentielle que vous donnez à notre société à la famille, aux familles, oserais-je dire. J’entends aussi ce souci de savoir conjuguer la filiation avec les projets que des parents peuvent avoir pour leurs enfants. »
Pour autant, même un Jésuite y perdrait son latin. Que va faire Emmanuel Macron en matière de bioéthique et de fin de vie ? Personne n’en sait rien, même peut être ne le sait-il pas lui-même.
Emmanuel Macron a dévoilé aussi qu’il avait eu la même conception que l’Eglise catholique quand il a fondé En marche ! : refonder le politique. Oui mais sur quelles bases ? Son projet se dessine de plus en plus : la réaction sociale, le corporatisme, la remise en cause de la loi de 1905, aggraver la loi Debré, l’assujettissement croissant de la société à la banque et au capitalisme.
La Fédération nationale de la Libre Pensée est d‘autant plus lucide sur cette politique que, pour préserver son indépendance, elle s’est bien gardée de céder aux injonctions de tous ceux qui appelaient à voter pour lui. On comprend aussi le désarroi de ceux qui ont appelé à voter pour Emmanuel Macron « pour faire barrage à la réaction » et qui se retrouvent « Gros Jean comme devant ».
Mais pour mettre son programme en œuvre, ayant une base électorale des plus réduites (17% des inscrits au premier tour des Présidentielles), il a besoin des « syndicalistes modernes » et, bien sûr, de l’Eglise catholique. Il a donc lancé un appel à l’aide : « Le don de l’engagement que je vous demande, c’est celui-ci : ne restez pas au seuil. Ne renoncez pas à la République que vous avez si fortement contribué à forger. Ne renoncez pas à cette Europe, dont vous avez nourri le sens. Ne laissez pas en friche les terres que vous avez semées. Ne retirez pas à la République la rectitude précieuse que tant de fidèles anonymes apportent à leur vie de citoyen. »
Mais le vent se lève contre la Réaction
La formidable résistance qui se manifeste, notamment – mais pas exclusivement – chez les cheminots est un bien mauvais présage pour « Jupiter ». C’est pourquoi, il se dépense sans compter pour communiquer sur les plateaux de télévision. La peur du vide ? Dira-t-il comme Philippe Pétain le 12 août 1941 : « Français, J’ai des choses graves à vous dire. De plusieurs régions de France, je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais… L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des âmes. L’autorité de mon gouvernement est discutée ; les ordres sont souvent mal exécutés (…) »
On sait comment cela a fini.
Paris, le 10 avril 2018
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.