C’est Noël, c’est paillettes ! Le feu dans la cheminée. La crèche avec le bœuf et l’âne, les bergers, avec les rois mages, la messe de minuit en cette nuit qui débute le 25 décembre, naissance du petit Jésus, et puis le repas traditionnel: les huîtres, le saumon fumé, la dinde et la bûche. Enfin l’échange de cadeaux au pied du sapin, avec le père Noël de rouge vêtu qui descend par la cheminée… Tout cela fleure bon nos vraies traditions religieuses ancestrales…
Certes, mais certains pensent que nous perdons le vrai sens de Noël. Nous en faisons une fête quelque peu païenne où le sacré se noie dans le Champagne. Le message qu’apporté la naissance du Christ, les Églises par médias interposés nous le rabâchent tous les ans, c’est celui de la paix, de l’amour, etc., etc.
Oui, et bien cette conception est à mettre au cabinet des idées reçues avec bien d’autres. Tout dans la mise en scène chrétienne de cette fin décembre est du bricolage composé de pièces rapportées, et de matériaux de seconde main.
D’abord la crèche, ce n’est pas une étable ou une grotte : c’est une mangeoire, une auge pour mettre la nourriture réservée au bétail. Les évangélistes ne sont pas d’accord. Seul Luc raconte que l’enfant aurait été langé puis couché dans une «crèche», les trois autres ou bien donnent des versions contradictoires ou bien n’en parlent même pas. Ce symbole, reproduits à des millions d’exemplaires dans le monde entier – et même sur les places de certaines de nos communes (avec des fonds publics évidemment), n’a bien sûr rien d’historique, mais n’est même pas un épisode testamentaire. Les bergers, les rois mages ? Pas plus que de beurre en branche : On ne croise aucun roi mage dans les évangiles. C’est au VIIe siècle qu’on va leur donner les noms de Melchior, Gaspard et Balthazar. Des mages ? Certes, mais pour les rois, il faudra attendre le IXe siècle, époque à laquelle le pape Léon IV les reconnaît officiellement comme «rois». Et puis pourquoi trois ?… Sur certains monuments anciens, on en trouve quatre, sur d’autres six… Il n’y a que Matthieu qui rapporte l’épisode des mages, et seulement des mages, pas des rois mages. Aucun autre évangile n’en parle. Quant aux bergers, seul Luc en parle… leur rôle symbolique est clair : comme dans toute l’histoire d’Israël, les bergers sont ceux qui mènent le troupeau du peuple. Et on va voir un peu plus loin qu’ils ont également une autre origine.
Noël, une date qui a donné lieu à divers choix …
On sait que la date du 25 décembre est purement artificielle ˗ à supposer bien sûr l’historicité du personnage de Jésus. Au cours des trois premiers siècles, la naissance du Christ a été fêtée successivement dans la nuit du 18 au 19 avril, dans celle du 28 au 29 mars ; on l’a fêtée le 6 janvier (réservé depuis aux «rois» mages). Certains la placent en juin, d’autres le 19 novembre, d’autres encore le 20 mai. Deux savants américains, de nos jours, la placent respectivement le 25 octobre et le 14 mai. Pour les musulmans, ce serait le 26 juillet et sous un dattier. La date a été fixée au IVe siècle (avec certitude en 354, mais son établissement a pu être progressif). Noël a supplanté la fête de la naissance du dieu Mithra qu’on célébrait le 25 décembre, période de l’année propice à de nombreuses fêtes (hiver, proche du solstice, début de la renaissance de la nature, du retour de la lumière …) comme les Saturnales romaines, du 17 au 24 décembre. A la fin de cette période de fête, on offrait des cadeaux aux enfants. D’ailleurs, les historiens chrétiens reconnaissent parfaitement cette origine, même si tout cela reste très obscur comme la plupart des traditions populaires. Il s’agit simplement de rappeler l’origine très païenne de ce prétendu Noël chrétien. La plupart des épisodes de la naissance du Christ, comme de sa vie en fait, sont le produit de collages issus de l’ancien testament, et d’emprunts à diverses sources (comme le mithraïsme, justement), et de conceptions hellénisantes. Les autres références empruntées et qui constituent le fond des coutumes du «Noël chrétien», ont des origines beaucoup plus récentes.
De Saint-Nicolas à Saint Coca-Cola
On trouve de nombreux arbres associés à des cultes, et dans le monde entier, y compris d’ailleurs dans le culte de Mithra. Au cours des fêtes, ils sont souvent associés, notamment dans la Gaule celtique au houx et au gui. Il semblerait que le sapin soit en fait une coutume récente venue de Scandinavie et adoptée par l’Angleterre victorienne. L’illumination des arbres est l’essence même de ce culte ancestral aux forces de la nature symbolisé par les rites autour des arbres. L’illumination signifie la renaissance de la nature, de même que les cadeaux qu’on y accrochait. C’était souvent des petits cadeaux tout simples (fruits, gâteaux, petits objets…) qui, plus tard, ont été remplacés par des boules colorées.
La bombance le soir de Noël, n’a rien de chrétien. Le christianisme préfère de beaucoup les interdits alimentaires. C’est une coutume tout à fait païenne et reconnue comme telle, par exemple, par les soldats de Cromwell qui, en 1644, ont persécuté ceux qui étaient soupçonnés de manger des gâteaux le jour de Noël, en les accusant de papisme. On ne prête qu’aux riches, l’Église et ses prélats donnant toujours l’exemple de goinfreries à tous propos.
L’invention du Père Noël mérite d’être contée. Son plus lointain ancêtre connu est Saint Nicolas, inspiré de Nicolas de Myre appelé également Nicolas de Bari. Il est né à Patara en Asie Mineure entre 250 et 270 après J-C. Il est mort, dit-on, le 6 décembre, en 345 ou en 352 dans la ville portuaire de Myre en Asie Mineure.
Il fût évêque de Myre au début du IVe siècle. Depuis le XIIe siècle, il va, déguisé, de maison en maison dans la nuit du 5 au 6 décembre (2) pour demander aux enfants s’ils ont été obéissants. Les enfants sages reçoivent des cadeaux, des friandises et les méchants reçoivent une trique donnée par le compagnon de Saint Nicolas, le Père Fouettard. Après la Réforme protestante survenue au XVIe siècle, la fête de Saint Nicolas fut abolie dans certains pays européens. Les Hollandais conservèrent cependant cette ancienne coutume catholique. Au début du XVIIe siècle, des Hollandais, guidés par Peter Stuyvesant, émigrèrent aux États-Unis et fondèrent une colonie appelée «Nieuw Amsterdam» (en néerlandais) qui, en 1664, devint New York. En quelques décennies, cette coutume néerlandaise de fêter la Saint-Nicolas se répandit aux États-Unis. Pour les Américains, Sinter Klaas devint rapidement Santa Claus.
Après plusieurs décennies, la société chrétienne trouva plus approprié que cette «fête des enfants» soit davantage rapprochée de celle de la naissance de l’enfant Jésus. Ainsi, dans les familles chrétiennes, Saint Nicolas fit désormais sa tournée la nuit du 24 décembre. En 1821, un pasteur américain, Clément Clarke Moore écrivit un conte de Noël pour ses enfants dans lequel un personnage sympathique apparaît, le Père Noël, dans son traîneau tiré par huit rennes. Il le fit dodu, jovial et souriant, remplaça la mitre du Saint Nicolas par un bonnet, sa crosse par un sucre d’orge et le débarrassa du Père Fouettard. L’âne fut remplacé par huit rennes fringants. C’est à la presse américaine que revient le mérite d’avoir réuni en un seul et même être les diverses personnifications dispensatrices de cadeaux.
En 1860, Thomas Nast, illustrateur et caricaturiste au journal new-yorkais Harper’s Illustrated Weekly, revêt Santa-Claus d’un costume rouge, garni de fourrure blanche et rehaussé d’un large ceinturon de cuir.
La légende fit son chemin et c’est en 1931, que le Père Noël prit finalement une toute nouvelle allure dans une image publicitaire, diffusée par la compagnie Coca-Cola. La compagnie souhaitait ainsi inciter les consommateurs à boire du Coca Cola en plein hiver. Ce n’était pas du goût de tout le monde… Renouant avec une longue tradition, en 1951, l’effigie du Père Noël fut brûlée sur le parvis de la cathédrale de Dijon… preuve que la hiérarchie catholique ne désarme pas. Bref, lorsque vous fêtez Noël, faites-le en pensant qu’il s’agit d’abord d’une fête païenne récupérée morceaux par morceaux par le christianisme : Joyeux Noël païen à tous !
Claude Singer (La Raison N°536)
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(1) Mithraïsme : un culte à mystères qui est apparu probablement pendant le IIe siècle av. J.-C. dans la partie orientale de la Méditerranée, d’où il s’est diffusé pendant les siècles suivants dans tout l’empire romain. Il a atteint son apogée durant les IIIe et IVe siècles, époque pendant laquelle il devint un concurrent important du christianisme. Le culte de Mithra eut une implantation particulière auprès des soldats romains. Comme toutes les religions païennes, il fut déclaré illégal en 391. Mithra est une divinité indo-iranienne dont on peut faire remonter l’origine au second millénaire av J.C. Selon le mythe, Mithra, dès sa naissance (dans une grotte)… fut adoré… par des bergers…, et pour le rituel, on utilisait du pain et du vin… Dernier détail, le jour sacré des adeptes de Mithra était le dimanche, … le hasard fait parfois de ces prodiges !
(2) Toujours le 6 décembre.
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