Le carnaval des dieux, la justice des hommes


Entrez, entrez dans la fête foraine, vous y verrez dans chaque diocèse des regards d’enfants grandissant fardés de chagrin et d’incompréhension. Juste derrière eux, dans la pénombre, une vieille corneille tremblotante, le père « Y a pas de mal à se faire du bien », prêtre… et aussi accessoirement, surveillant de dortoir. Enfin, sur un perchoir au-dessus d’eux, une créature inquiétante et silencieuse, robe longue mauve ou pourpre, chapeau pointu, capable de se remettre vite fait en civil pour se glisser incognito dans la foule en sortant de chez une paroissienne exemplaire. Dans la hiérarchie de cette mascarade hypocrite, on appelle cela un « Monseigneur». C’est vers lui aujourd’hui que s’allument les projecteurs d’une lumière nauséabonde.

Les « Monseigneurs » vivent cachés derrière de grands bureaux, dans le silence des scandales étouffés, l’absence de vagues dans leur océan d’ignominie, dans les faveurs financières du Patronat qui leur permettent d’entretenir toutes leurs facultés. Prenons-en un au hasard et appelons le Barbare 1, cela nous changera de XXIII. Barbare 1 reçoit les ordres de François du Vatican, en robe du soir immaculée, belle propriété inscrite à l’office du tourisme de masse, distribuant les bons points pour ces messieurs de la secte et les mauvais points pour ces dames en quête de liberté. Barbare 1 transmet les messages du Patron à ses employés, certains sont en paroisse, d’autres chargés d’éducation, pour les plus petits, les plus grands, les universitaires, les préparations au mariage, les offices pour les militaires ou les chasseurs, et ces bonnes vieilles funérailles d’antan chères à notre cher Georges Brassens. Bref, au royaume de ce grand chapiteau, où le spectacle perpétuel faisait rire Voltaire et Hugo, tout serait resté affaire d’illuminés si ces gens-là n’avaient pas voulu s’emparer des esprits, des corps (!), des porte-monnaie, et des… instances de la République.

Deux fois par an, Barbare1 est convoqué à l’Assemblée Plénière des évêques de France. Tous ces farfelus sont presque au complet et entonnent leur hymne préféré depuis la Séparation des Eglises et de l’Etat : « Que vive la justice de Dieu, maudite soit la justice des hommes, nous n’avons de compte à rendre à personne, maudite soit cette République qui nous fait perdre notre pouvoir moral et dépeuple nos séminaires. » Après cette gueulante récurrente, ils abordent tous (?) les sujets de société, et décident d’y apporter des valeurs de tolérance, de respect et de charité bien ordonnée. Ce sont des hypocrites « investis d’une mission » qui continuent de cracher leurs mépris sur la femme, l’homosexuel, les sans-dieux et tous ceux qui contribuent à la liberté de pensée. Tristes sires réunis en commissions et sous-commissions, ils se rêvent intouchables, ils se pensent intouchables… Sonnerie de rassemblement : François du Vatican vient de laisser s’échapper la noire fumée de leur réalité, une fois de plus sur l’avortement.

« Est-il juste d’éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d’avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ? » Le choix des mots, rien que le choix des mots. Mais de quoi se mêle-t-il ? En quoi la souffrance d’une femme qui prend librement une grave décision le concerne-t-il ? Il y a des moments où l’on aimerait faire appel à la justice des hommes, celle des lois, celle de la République, pour atteinte à la Liberté, à l’Égalité et bien sûr à la Fraternité. Qu’il s’occupe de ses pédophiles, et qu’il retourne jouer dans ses jardins…

Laurent Benoit in La Raison n° 368 – février 2019