La neutralité de l’État par rapport aux religions est une partie de la laïcité, mais ce n’est pas la laïcité.
De ce point de vue la définition donnée par le Centre d‘Action Laïque (CAL) dans l’abécédaire disponible sur son site est incomplète et légèrement biaisée :
« Au niveau des principes, la neutralité est le strict équivalent de la laïcité française dans sa triple définition,(liberté des cultes, mêmes droits pour les différents cultes et pour toutes les conceptions philosophiques, obligation de neutralité de l’État à l’égard des citoyens) Au niveau pratique, la laïcité revendique, plutôt que la neutralité passive, une impartialité volontariste. »
Incomplète car si la neutralité peut être passive, la laïcité n’est pas seulement une impartialité active, mais une volonté de mettre – également, certes – tous les cultes à l’écart des affaires publiques. Il s’agit d’une volonté politique fondée sur une expérience historique douloureuse et pas seulement une indifférence équitable.
Légèrement biaisée, car l’expression « même droits pour les différents cultes et pour toutes les conceptions philosophiques », laisse à penser que « la laïcité française » considère les « conceptions philosophiques » et leurs affidés à l’égal des fidèles des cultes : il n’en est rien ! Ce qu’il y a de « français » dans la loi du 9 décembre 1905 est le fruit d’une histoire singulière, mais aussi la volonté de traduire dans le droit positif l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 :
Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
D’une part les propositions sont ici inversées, la liberté de conscience est première : un libre penseur protestant ou musulman voit (en principe!) à la fois l’expression sa pensée critique ET l’expression de sa foi religieuse protégées et d’autre part l’athée, l’agnostique, le sceptique ne sont pas renvoyés à des conceptions philosophiques formalisées.
D’ailleurs la neutralité belge est-elle passive ?
Dans le livre « Histoire de la laïcité en Belgique »1 , André Miroir écrit :
« La position des libéraux belges fut très différente [de celle des français] puisque la constitution de 1831 avec consacré la séparation en affranchissant l’Église de la tutelle étatique, » (p.111) et la politique ultérieure des gouvernements libéraux les plus « radicaux » (J.Bara) ont toujours préservé deux éléments auxquels l’Église catholique tient plus qu’aux plumes du Saint-Esprit : la rémunération du clergé et la formation des jeunes consciences.
L’adoption, le 4 mars 1870 – à la quasi unanimité – de la loi sur le « Temporel des Cultes » donna d’ailleurs le signal de la constitution de nombreuses sociétés de Libre Pensée, dont celle de Bruxelles.
En effet, cette loi :
« ne faisait que répéter sous une autre forme des dispositions antérieures, remontant au Concordat napoléonien et au décret de Germinal An X. Elle transmettait aux autorités civiles les comptes et les budgets des « Fabriques d’églises ». Mais le vrai débat qui était celui de la Séparation de l’Église et de l’État et celui de la révision, voire de la disparition de l’article 117 de la Constitution stipulant que les traitements et pensions des ministres des cultes étaient à la charge de l’État »2
Dans de nombreuses sociétés de Libre Pensée qui naquirent alors, cette sainte union des libéraux et des catholiques laissa à penser que la question de la Séparation, donc d’une laïcité vraie, ne pouvait être dissociée de la question sociale.
Jean-François BOULOMIER
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1. Éditions du Centre d’Action Laïque – 1994
2. Dictionnaire historique de la Laïcité en Belgique – Pol Delfosse (dir.) Editions Luc Pire 2005 – page 205. Art 117 devenu 181.
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