Déclaration de D. Barenboïm à la Knesset, mai 2004, à l’occasion de la remise du prix Wolf.
« Les pères fondateurs de la déclaration d’indépendance se sont engagés en notre nom à tous, à tendre la main de la paix et à vivre en bon voisinage avec tous les États et leurs peuples. Je vous demande aujourd’hui avec un profond chagrin : occuper un pays et dominer un autre peuple est-il en accord avec la déclaration d’indépendance ?
L’indépendance d’un peuple a-t-elle le moindre sens si elle s’exerce aux dépens des droits d’un autre ?
Le peuple juif, dont l’histoire est ponctuée de souffrances et de persécutions, peut-il permettre d’être indifférent aux droits et à la souffrance d’un peuple voisin ? L’État d’Israël peut-il poursuivre un rêve irréaliste ? Peut-il permettre d’espérer une fin idéologique au conflit ? Ne devrait-il pas plutôt rechercher une solution pragmatique et humanitaire fondée sur la justice sociale ? J’ai toujours estimé qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit judéo-arabe, ni moralement, ni stratégiquement. Étant donné qu’il faut trouver une solution, je pose la question : qu’attendons-nous ? C’est pour cette raison que j’ai fondé avec mon ami, le regretté Edward Saïd, un atelier musical pour les jeunes musiciens de tout le Moyen-Orient, réunissant Juifs et Arabes. Un lieu où la musique élèverait les sentiments et l’imagination des Israéliens et des Palestiniens vers de plus hautes sphères. C’est pourquoi j’ai décidé de consacrer la dotation du prix à des projets d’éducation musicale aussi bien en Israël qu’à Ramallah. Merci. »
Réponse de la ministre de l’éducation Sipi Livni :
« En tant que présidente de la fondation Wolf, je tiens à exprimer le regret que M. Barenboïm ait choisi d’utiliser cette scène pour attaquer l’État d’Israël. Je voudrais souligner, je vous demande instamment, même si vous n’êtes pas de mon avis, de vous conduire de manière civilisée. Je précise que la décision de participer à cette cérémonie et de remettre le prix à M. Barenboïm aujourd’hui fut difficile à prendre, et pas seulement pour moi. J’aurais pu choisir de ne pas être présente, mais j’ai estimé que cela n’aurait pas été juste. Je souhaitais que cette cérémonie se déroule dans le respect de chacun. Je me suis conformée à la décision de la commission. J’attendais également une marque de respect. Je regrette que M. Barenboïm en ait décidé autrement. »
Réponse de Daniel Barenboïm :
« Je remercie Madame le ministre d’avoir rappelé une chose : il règne ici une liberté absolue. On m’a donné la possibilité de dire ce que je viens de dire. Je voudrais seulement préciser que je n’ai pas attaqué l’État d’Israël. Je me suis permis de lire la déclaration d’indépendance, et de poser des questions rhétoriques. C’est votre droit, Madame le ministre, d’interpréter mes propos autrement. Merci. »
Daniel Barenboïm : Né en 1942 à Buenos-Aires de parents juifs d’origine russe. Pianiste et chef d’orchestre de nationalité argentine et israélienne. Reçoit en 2002 la nationalité espagnole, porteur d’un passeport palestinien. Il crée avec Edward Saïd La Fondation publique Andalouse Barenboïm-Saïd pour la paix au Moyen-Orient, l’Andalousie étant un lieu symbolique de la coexistence pacifique des cultures et des religions. Il crée aussi avec E. Saïd en 1999 un orchestre israélo-arabe, le West Eastern Divan Orchestra.
« En 1952, alors que j’avais 10 ans, 4 ans après la proclamation de l’indépendance d’Israël, mes parents et moi sommes venus dans ce pays. La déclaration d’indépendance exaltait des idéaux et a fait de nous, Juifs, des citoyens israéliens. Le texte de la déclaration exprime un engagement important. J’aimerais vous le citer : »L’État d’Israël veillera au développement du pays pour le bien de tous ses citoyens. Il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix, enseignés par les prophètes d’Israël. Il assurera l’égalité absolue des droits sociaux et politiques, à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe. Il garantira la pleine liberté de culte, de conscience, de langue, d’éducation et culture » »
Le Mouton Noir, n° 26 p. 11
2ème trimestre 2017
En 2018, Daniel Barenboïm s’est insurgé contre la loi définissant Israël comme un État-nation juif. Pour lui « c’est clairement une forme d’apartheid ».
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