En 1763, Voltaire écrit son Traité de l’intolérance à l’occasion de l’exécution de Jean Calas. On sait que celui-ci, protestant, est accusé de l’assassinat de son fils au motif d’une conversion possible au catholicisme. Si le philosophe combat l’intolérance, il se prononce pour la séparation «de toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement.» La lettre est écrite dix jours après la réhabilitation de la famille Calas.
« A M. Bertrand, Mon cher philosophe, vous n’êtes point de ces philosophes insensibles qui cherchent froidement des vérités ; votre philosophie est tendre et compatissante. On a été très bien informé à Berne du jugement souverain en faveur des Calas ; mais j’ai reconnu à certains traits votre amitié pour moi. Vous avez trouvé le secret d’augmenter la joie pure que cet heureux événement m’a fait ressentir. Je ne sais point encore si le roi a accordé une pension à la veuve et aux enfants, et s’ils exigeront des dépens, dom-mages et intérêts de ce scélérat de David qui se meurt. Le public sera bientôt instruit sur ces articles comme sur le reste. Voilà un événement qui semblerait devoir faire espérer une tolérance universelle ; cependant on ne l’obtiendra pas sitôt ; les hommes ne sont pas encore assez sages. Ils ne savent pas qu’il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement ; que la religion ne doit pas plus être une affaire d’État que la manière de faire la cuisine ; qu’il doit être permis de prier Dieu à sa mode, comme de manger suivant son goût ; et que, pourvu qu’on soit soumis aux lois, l’estomac et la conscience doivent avoir une liberté entière. Cela viendra un jour, mais je mourrai avec la douleur de n’avoir pas vu cet heureux temps. Je vous embrasse avec la plus vive tendresse. »
A Ferney, le 19 mars 1765
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