Interview de Mgr Daelemans, directeur général de l’Enseignement catholique. Le Soir du 30/11/1983
– Que signifie, pour vous, le fameux article 17 de la Constitution, celui qui établit la liberté d’enseignement ?
– Pour nous, il y a plusieurs points importants. Tout d’abord, la liberté de création : ainsi, des instances publiques, des groupes, des personnes isolées peuvent créer des écoles. C est là le pluralisme externe. A côté de cela, nous revendiquons la liberté du choix des parents. C’est un acquis de 1958 qui sous-tend d’ailleurs la liberté pédagogique. Dans nos écoles chrétiennes, nous voulons avoir la liberté des méthodes, des projets en faisant constamment référence à Jésus-Christ et à son message.
– Quel prix l’enseignement catholique doit-il payer pour cette liberté ?
– Aucun. Nous devons disposer de moyens identiques. Depuis 1958, un certain nombre de revendications de notre enseignement catholique ont abouti. Un bout de chemin a été parcouru, mais il existe encore un certain nombre de lacunes et d’inégalités entre les différents réseaux. Notre rôle est d’attirer l’attention des responsables politiques sur certaines revendications que nous estimons prioritaires, à savoir les problèmes de l’enseignement primaire catholique (amélioration de l’encadrement pédagogique, administratif et auxiliaire d’éducation; adaptation des subventions de fonctionnement en vue d’assurer la fiabilité des écoles: adaptation des subventions pour fournitures classiques au coût réel), des internats libres (assurance d’un cadre administratif et éducateur; uniformisation dans les différents réseaux du prix de la pension à payer par les parents; subsides de fonctionnement versés par l’État aux internats; accès des internats libres au fonds des garanties pour les bâtiments), des constructions scolaires par le biais du Fonds national de garantie et enfin de l’encadrement pédagogique à tous niveaux.
– Le Pacte scolaire a-t-il instauré la paix scolaire ?
– C’était, en tout cas un armistice, un ensemble d accords et de dispositions qui. par la bonne volonté de tous les partis signataires, ont été respectés. Cependant, le Pacte scolaire n’a pas supprimé des conceptions différentes et certains continuent à croire que l’enseignement unique est la solution.
– Vous constatez, non sans fierté, que, si depuis 25 ans le pourcentage d’élèves fréquentant l’enseignement catholique est assez stable dans l’ensemble du pays, par contre, il augmente assez significativement dans la partie francophone. Pensez-vous dès lors, que comme le disait Emile Vandervelde en 1911, « la guerre scolaire finira lorsque le dernier élève de l’enseignement libre aura rejoint l’enseignement officiel… ou réciproquement ? »
– Nous pensons que l’avenir n’est pas la centralisation extrême de l’enseignement. Au contraire, actuellement ne constate-t-on pas une très nette tendance vers la décentralisation ? Vandervelde n’a pas eu raison donc dans les faits. L’évolution n’ira pas vers l’école unique. Le Pacte scolaire a consacré une grande valeur à la liberté d’enseignement. En France et en Espagne, nous disons que cette liberté est grandement menacée à cause de cette tendance à outrance de vouloir la centralisation.
– Vous êtes donc adversaires de l’école pluraliste ?
– La communauté scolaire catholique refuse l’école unique. Cependant, les personnes qui estiment devoir utiliser ce type d’école pour leurs enfants ont le droit de les créer en fonction de la liberté pédagogique. Pour cela, il faut qu’elles aient des moyens. Mais l’école pluraliste, comme elle se définit elle-même dans la charte, est de telle nature qu’il est impossible de la considérer comme conciliable avec le projet éducatif chrétien. L’enseignement catholique ne doit pas se supprimer pour devenir enseignement pluraliste. Néanmoins, à l’intérieur de l’école catholique, nous voulons une ouverture pluraliste mais dans le respect des adhésions de chacun, sans cesser toutefois de nous référer à Jésus-Christ et à son message. C’est aussi dans cet esprit que l’école catholique accueille les musulmans. Cet accueil se place tout à fait dans l’esprit de l’Évangile. Ne pas les accueillir, c’est ne plus être chrétien !
– Le statut du personnel de l’enseignement subventionné était inscrit dans le protocole de 1973. Le personnel des écoles catholiques aura-t-il aussi un statut d’ici peu ?
– Nous sommes demandeurs mais pas de n’importe quel statut. Nous voulons un statut établi dans un climat de dialogue et nous entendons défendre la liberté du choix des pouvoirs organisateurs dans les nominations. Nous sommes d’accord pour la réalité de la « vraie » nomination définitive, nous voulons la liberté de pouvoir réaliser cette nomination mais dans la fidélité du projet éducatif chrétien.
– Souhaitez-vous que soient signés des pactes scolaires communautaires ?
– Ce n’est pas nous qui pouvons nous prononcer à ce sujet De toute manière, nous voulons obtenir des garanties suffisantes pour cette communautarisation, c’est-à-dire, au minimum la pluralité des réseaux, l’égalité des moyens et la liberté pédagogique.
Propos recueillis par CHRISTINE SIMON
Le Soir du 30/11/1983
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