Le président du Mouvement Réformateur, qui ne sait que faire pour se distinguer, souhaite maintenant interpeller le parlement sur le sujet du burkini et ne pas s’en tenir là : « La folie communautariste continue. Le @MR_officiel interviendra au #parlbru et au fédéral. Nos valeurs sont mises à mal avec la complicité ignorante de certains. @SarahSchlitz doit intervenir. » Deux points de sa déclaration soulèvent problème selon nous.
Le premier, sans être énoncé clairement, concerne la laïcité.
Avant toute chose, précisons que nous sommes contre le port de la burqa, du niqab, de la soutane, de la cornette, de papillotes… Toute marque d’appartenance religieuse est un renoncement à la liberté de pensée. La burqa, le voile, le burkini nous semblent à l’opposé de la libération nécessaire et revendiquée des femmes, à l’inverse de la mini-jupe qui a été l’affirmation d’une libération de la femme à une certaine époque.
Si nous posons et admettons que le régime de laïcité est constitutionnel en Belgique, alors rappelons que le principe de laïcité s’applique de façon différente dans la sphère publique et dans la sphère privée. Il est également utile de s’entendre sur ce que recouvre la sphère publique et la sphère privée. Dans la sphère publique, le principe de laïcité implique une stricte neutralité, l’abstention de toute manifestation de croyance, d’incroyance de la part des institutions publiques, des magistrats, des gouvernements, des agents représentant l’État, des bâtiments publics, etc. Dans la sphère privée, soit la rue, les transports publics, les commerces, les entreprises privées, etc. l’expression des opinions est libre. La liberté est la règle. La liberté d’expression s’exerce dans le cadre du droit commun et ne peut être restreinte ‒ par une réglementation motivée et limitée ‒ que si elle porte atteinte aux droits d’autrui ou à l’ordre public. Donc le port du burkini à la piscine, pas plus que celui d’une kippa, d’une soutane, d’une djellaba dans la rue, ne relève d’une question de laïcité ! Le port de la cagoule, de la burqa n’ont pas été interdits dans l’espace public pour des raisons de laïcité mais pour des motifs de sécurité publique.
Dès lors, la déclaration de Mr Bouchez entretient une confusion, source de dérives dangereuses pour la démocratie. Entend-il régenter les corps et les consciences et dicter aux citoyennes et citoyens leurs conduites ?
En effet, la sphère privée devrait être soumise également aux principes de la neutralité. L’espace public ne serait plus une zone de libertés mais un espace policé où l’affichage vestimentaire (mais pas uniquement) serait prohibé ce qui reviendrait à restreindre la liberté d’expression et donc porter atteinte à la liberté absolue de conscience. La sphère privée, espace de libertés, en serait réduite au seul domicile.
La laïcité ne peut exister sans une distinction claire entre sphère publique et sphère privée. La neutralité ne s’applique qu’à la seule sphère publique. Au risque de porter atteinte aux libertés, cette sphère doit être strictement délimitée. Si l’État doit s’interdire d’exprimer son point de vue métaphysique, par contre tout citoyen a la liberté absolue de pouvoir l’exprimer.
L’État ne peut se faire l’arbitre des élégances religieuses, sinon il devient liberticide. Ce sont toujours les régimes totalitaires qui imposent des tenues vestimentaires ou en interdisent d’autres.
Si le burkini est le drapeau du communautarisme,
le string serait-il celui libéralisme ?
Le second point concerne l’utilisation du terme valeurs.
« La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement » Rosa Luxembourg
Valeur ? Si l’on se réfère au dictionnaire Robert, chacun peut donner sa définition du mot valeur en fonction de son jugement personnel, qui s’accorde plus ou moins avec le jugement de l’époque. De quelles valeurs se réclame Mr Bouchez ?
Qu’advient-il de la démocratie, si l’on dicte aux citoyens ce qu’ils doivent ou non penser, porter ou non, que restent-ils des libertés de conscience et d’expression ? La démocratie n’a pas à imposer de valeurs aux citoyens. Être citoyen d’un pays c’est avoir des droits sans être obligé de partager des valeurs politiques, philosophiques ou religieuses. Contrairement aux droits qui sont clairement définis, concrets, autant les « valeurs » sont subjectives, sujettes à controverses car elles sont essentiellement fondées sur des sentiments.
Depuis quand doit-on être à nouveau d’accord avec des valeurs prônées par certains groupes ? Dans un pays démocratique, ceux qui ne défendent pas certaines valeurs ont pourtant les mêmes droits que ceux qui les défendent. Les « valeurs » (pour utiliser ce terme) dans un État supposé démocratique sont avant tout l’égalité des droits, la liberté de conscience et d’expression pour tous. Cela signifie, que tout citoyen a le droit de s’exprimer comme il l’entend, y compris de contester les valeurs de la monarchie constitutionnelle.
Quand un État veut inculquer aux citoyens des « valeurs » quelles qu’elles soient, pour instituer des obligations vestimentaires, morales, philosophiques, religieuses, il s’engage sur le chemin du totalitarisme.
Mais comme le disait Pascal « Qui veut faire l’ange, fait la bête »
Bruxelles, 3 juillet 2021
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