Courbet et l’origine de la vie


Courbet fut le peintre du « Réalisme » qui : « […] consiste à être à même de traduire les mœurs, les idées, les actes de mon époque, selon mon appréciation, en un mot, faire de l’art vivant. » suivant en cela Baudelaire, qui en 1846, appelait les artistes à peindre les aspects ordinaires de la vie contemporaine et d’y trouver des qualités de grandeur épique avant que ce dernier s’éloigne de lui, qualifiant d’ « immolation » son manque d’imagination1.

Courbet va peindre la réalité de son époque. Courbet décrit à travers ses toiles la violence faite à l’homme quand il est asservi au travail et à l’essor de la société capitaliste. Ainsi, E. Zola dira de la toile « Les Casseurs de pierres, à rebours, crient par leurs haillons vengeance contre l’art et la société […]. » et Jules Vallès : « Ce tableau teinté de gris, avec ses deux hommes aux mains calleuses, au cou halé, était comme un miroir où se reflétait la vie terne et pénible des pauvres. » 2.

Des critiques l’accuseront de peindre un peuple laid et vulgaire et la bourgeoisie verra dans ses œuvres un quasi-appel à la subversion, au soulèvement.

En 1863, Courbet, anti-clérical, attire à nouveau le scandale, avec « Le retour de la conférence » toile qui montre des ecclésiastiques éméchés et divagants sur une route de campagne. L’œuvre est refusée au Salon « pour cause d’outrage à la morale religieuse ». L’année suivante c’est au tour de « Vénus et Psyché » de subir le même sort pour « indécence ». C’est au cours de cette même période, en 1866, que Courbet peint son œuvre la plus provocante, « L’Origine du Monde » , qui restera longtemps inconnue du public.

Le sexe de la femme qu’il jette à la face de l’Empire, habitué aux nus lisses de Bouguereau, n’était pas sa première provocation. En 1853, il a présenté « Les Baigneuses », son premier nu : deux matrones dénudées, deux puissantes anatomies plébéiennes, qui révoltèrent Napoléon III. Il a cravaché la croupe de celle que l’impératrice venait de qualifier de « percheronne ». La toile fut refusée au Salon.

Courbet n’a pas dû être surpris, en 1866 , que l’ambassadeur de la Porte à Paris, Khalil-Bey, lui commande L’Origine du monde, qu’il voulait placer à côté d’un tondo acheté à Ingres : Le Bain turc (« une tartine d’asticots », dit aimablement Paul Claudel).

L’Origine du monde, c’est une femme nue grandeur nature, allongée sur le dos, à laquelle il « manque » la tête et les jambes, mais non les seins. Les cuisses sont écartées et les lèvres ouvertes, sous la toison pubienne toute frisottée : L’Origine du monde, c’est plutôt l’origine de la vie. Le paysage vaginal est une planche quasi anatomique. Courbet s’est vanté d’avoir toujours dit la vérité dans sa peinture : en effet… C’est le sommet du réalisme en art, c’est « La Joconde » de Courbet3.

Il ne supporte pas l’hypocrisie de la classe dominante, ni la répression des pulsions de vie. Courbet brave les tabous religieux sur le sexe. Pacifiste, il il écrivit, en 1870, une lettre à l’armée allemande et aux artistes allemands « Laissez-nous vos canons Krupp, nous les fondrons avec les nôtres ; le dernier canon, gueule en l’air, coiffé du bonnet phrygien, planté sur un piédestal acculé sur trois boulets, et ce monument colossal, que nous érigerons ensemble sur la place Vendôme, sera notre colonne, à vous et à nous, la colonne des peuples, la colonne de l’Allemagne et de la France à jamais fédérées. », comme il se dressera contre le pouvoir politique de la bourgeoisie sous la Commune de Paris. En avril 1871, son engagement se confirme : il entre à la commission exécutive de la Commune de Paris qui le charge de rouvrir les musées parisiens et d’organiser le Salon.

Le Conseil de la Commune de Paris considérait la colonne Vendôme comme « un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la Fraternité. » et décréta sa démolition.

Arrêté par les versaillais le 7 juin, le peintre est condamné en septembre à 6 mois de prison, des amendes et à rembourser les frais de reconstruction de la colonne pour le punir d’avoir lancé, en septembre 1870, une pétition dans laquelle il réclamait au gouvernement de la Défense nationale de bien vouloir l’autoriser à « déboulonner » la colonne.

Courbet est décédé le 31 décembre 1877.

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* Le titre et une partie de l’article proviennent d’ Informations Ouvrières d’août 2014

1http://www.vie-romantique.paris.fr/sites/default/files/mvr_-_dossier_pedagogique_2016_12_10_def_2.pdf

2http://hugues-absil.com/wordpress/les-casseurs-de-pierre-de-courbet/

3https://www.lemonde.fr/culture/article/2014/08/07/peinture-l-unique-origine-du-monde_4467831_3246.html