Samedi 14 mai, des centaines de milliers de personnes ont à nouveau manifesté dans tous les Etats-Unis
Un puissant et massif mouvement en défense du droit à l’avortement s’est constitué aux Etats-Unis depuis que le juge Samuel Alito a soumis à examen de la Cour suprême un projet de révision de la jurisprudence en vigueur depuis ledit arrêt Roe v. Wade de 1973 et qui a instauré que le droit à l’avortement relevait du droit à la vie privée énoncé dans le 14e amendement de la Constitution.
«Cette décision, nous pouvons la renverser ! Et si nous ne pouvons pas renverser la Cour Suprême, renversons ce pays ! » Ce cri séditieux est lancé avec une rage débordante sous les acclamations de la foule rassemblée à Foley Square par une femme de loi, Letitia James, la procureure générale de New York.
Le site Internet Politico a publié un projet soutenu par la majorité de la Cour suprême et signé par le juge Samuel Alito qui annulerait le droit à l’avortement dans le pays protégé par un arrêt de 1973, connu sous le nom de Roe vs Wade.
Bien qu’il s’agisse d’un projet, il suggère qu’une majorité de juges de la Cour suprême sont déterminés à renverser la jurisprudence Roe vs Wade et rend très réaliste le scénario selon lequel cela se produira lorsque la décision finale sera publiée en juin. Roe vs Wade est une décision qui protège le droit des femmes à l’avortement comme étant constitutionnel, empêchant ainsi les Etats qui composent les Etats-Unis d’interdire cette pratique (1).
Une hypothétique annulation de l’arrêt de 1973 n’interdirait pas l’avortement à l’échelle nationale, mais lèverait la protection de ce droit, de sorte que les Etats les plus conservateurs auraient toute latitude pour l’interdire.
Une trentaine d’Etats sur les cinquante que compte l’Union ont déjà adopté leurs propres restrictions en matière d’avortement, de sorte que si la Cour suprême annule sa décision en la déclarant inconstitutionnelle, elles entreront en vigueur. Certains des Etats conservateurs se sont empressés d’adopter des lois anti-avortement. Si la Cour suprême annule sa propre décision, ces lois entreront en vigueur.
Mardi, le gouverneur de l’Oklahoma, Kevin Stitt, a approuvé une nouvelle loi qui restreint presque tous les avortements dans l’Etat et permet aux citoyens de dénoncer les personnes qui pratiquent des avortements, avec des récompenses à la clé, comme c’est déjà le cas au Texas.
Dans les Etats plus progressistes, comme la Californie, New York ou le New Jersey, on peut s’attendre à ce que leur gouvernement continuent à autoriser les pratiques de l’avortement et que l’annulation de Roe vs Wade n’ait donc aucun effet pratique.
« Il y aurait deux Etats-Unis et cela signifie que ce seraient les Etats les plus riches, les plus blancs, qui auront accès à l’avortement », a déclaré Jamie Manson, présidente de Catholics forChoice. « Les Noirs, les autochtones, les personnes de couleur, les personnes sans pouvoir ou vivant dans des zones rurales, perdront cette bataille, et ce sont souvent eux qui en ont le plus besoin », a-t-elle ajouté.
Biden, farouche partisan de l’accès à l’IVG ?
Les républicains ne sont pas les seuls à s’opposer au droit à l’avortement. Bien que M. Biden ait qualifié ce projet de loi d’« attaque sans précédent contre les droits constitutionnels des femmes en vertu de l’arrêt Roe vs Wade », les actions du président Biden sont plus éloquentes que ses paroles. Ses votes incluent : un vote « oui » sur l’amendement Hyde (pour limiter le financement de l’avortement par Medicaid) ; un vote « oui » sur l’amendement Hatch (une tentative d’annuler Roe vs Wade) ; un vote « oui » sur un amendement de Jesse Helms qui bloquait le financement fédéral de la recherche sur l’avortement ; et cinq votes « non » pour permettre le financement fédéral des avortements pour les employés fédéraux.
Près de 60 % des Américains pensent que l’avortement devrait être légal dans tous ou la plupart des cas, un chiffre qui est resté relativement stable ces dernières années. 80 % des démocrates et des indépendants de tendance démocrate affirment que l’avortement devrait être légal dans tous les cas ou dans la plupart des cas, mais seulement 35 % des républicains sont de cet avis, selon l’enquête Pew. Les chiffres confirment également que près d’une Américaine sur quatre a eu recours à une interruption légale de grossesse.
Le dernier rapport sur l’état de la population mondiale du Fonds des Nations unies pour la population (United Nations Fund for Population Activities, UNFPA), publié récemment, met en garde contre le risque que représentent pour la santé et la vie des femmes les restrictions légales ou de facto des droits sexuels et génésiques.
La forte prévalence des avortements à risque fait que la situation peut être décrite, selon le UNFPA comme « une urgence de santé publique ». Le rapport de l’UNFPA fournit de nombreux faits. Par exemple, les avortements à risque sont à l’origine de 5 à 13 % de l’ensemble des décès maternels, « ce qui en fait une cause majeure de mortalité maternelle ».
« L’avortement est une nécessité médicale de base pour des millions de femmes, de jeunes filles et de personnes susceptibles de tomber enceintes. Forcer une personne à poursuivre une grossesse, quelle qu’en soit la raison, est une violation grotesque des droits de l’homme, qui met en danger la vie et la liberté de millions de personnes », a déclaré Tarah Demant, Amnesty international USA.
Correspondant d’Informations Ouvrières du 19-25 mai 2022
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La note, l’intertitre ainsi que la carte ont été ajoutés par nos soins (D.K)
(1) Il faut préciser que cet arrêt fut accompagné par un autre arrêt rendu le même jour : Doe v. Bolton. Ce dernier prévoit que chaque Etat est en mesure de limiter le droit à l’avortement. Le droit à l’avortement n’est pas un droit considéré comme un droit absolu des femmes à disposer de leur corps aux USA ou ailleurs dans le monde !
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