Quatrième de couverture : « Le samedi 3 mai 1924, en première page de l’Humanité, on pouvait apercevoir une photographie du plus extraordinaire monument non pas aux morts mais aux vivants de l’après-guerre. Réconciliation : une femme assise vêtue d’un long drapé descendant jusqu’aux chevilles, portant sur ses genoux, deux soldats nus mais casqués, l’un français, l’autre allemand, enlacés comme un couple amoureux en un baiser de cinéma. L’auteur : un certain Émile Derré.
Derré en voilà un qui a sombré tout vif dans la légende, de sa vie on sait peu de choses, pis encore, une partie de ses œuvres a tout simplement disparu, sa statue de Fourier : fondu sous l’occupation, le groupe Réconciliation évaporé à une date inconnue, Le chapiteau des Baisers, où l’on voit Louise Michel embrasser Blanqui, retiré du jardin du Luxembourg à la demande de Mitterrand. Le titre d’artiste maudit lui va comme un gant, il suffirait pour s’en convaincre de mettre en vis-à-vis la photographie de Nadar où on le voit posant fièrement dans un habit sombre, petite barbe, regard profond, se disant que ça y est, qu’il y est arrivé, qu’issu de rien il fait à présent parti du cénacle, des grands hommes, des artistes qui comptent, et quelques années plus tard un certain Emmanuel Bourcier trace de lui une caricature, vieil homme maigre aux yeux creusés, grande moustache qui se voudrait élégant avec sa lavandière mais dont le feutre informe hurle la misère.
De Montmartre à Nice, du buste d’Élisée Reclus au plus beau des monuments pacifiste, voici Émile Derré, sculpteur anarchiste, injustement tombé dans l’oubli.
Publié avec le concours de La Libre Pensée, de L’Union Pacifiste et de la FNL-M (Fédération Nationale Laïque des Associations des Amis des Monuments pacifistes, républicains et anticléricaux) »
« Tu ne tueras plus ! Émile Derré, anarchiste, pacifiste, sculpteur », Thierry Guilabert Les éditions libertaires, 2021, 86 p., 12 €
A travers ce livre, on découvre un artiste méconnu (1867-1938), un homme simple, fidèle à ses idées, un libre-penseur. Les illustrations du livre permettent de se faire une idée de ses œuvres, mal ostracisées durant cette époque guerrière. Elles furent soit reléguées dans des faubourgs parisiens soit détruites. Certaines de ses sculptures, très belles, rendent hommage entre autres à Louise Michel, Francisco Ferrer, invitent à venir en aide aux « filles-mères », tandis que d’autres célèbrent l’amour et la paix. Celle de la couverture, particulièrement incomprise, fit scandale en son temps, représente, pour un projet de monument aux morts, la réconciliation entre un soldat allemand et un soldat français dénudés s’enlaçant dans les bras de l’Humanité.
Les appendices sur la Libre Pensée, l’Union Pacifiste de France et la Fédération Nationale Laïque des Associations des Amis des Monuments pacifistes, républicains et anticléricaux sont fort utiles pour compléter cette biographie.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.