La liberté de manifester est garantie dans la Constitution, norme juridique suprême d’un État qui définit les libertés et les droits des citoyens. Cependant, pour les tenants du pouvoir répressif et de ses acolytes ce droit de manifester ne vaut que pour autant qu’on l’on se conforme à leur conception de l’ordre.
De plus en plus fréquemment les gouvernements liberticides restreignent, à défaut de pouvoir les interdire, les rassemblements publics. Le gouvernement actuel, entend interdire préventivement le droit à certains citoyens de manifester. Cet emballement sécuritaire se déroule sur la toile de fond de l’accroissement des violences policières et des arrestations administratives abusives.
Un nouveau délit : le « délit d’intention »
La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) vient de rédiger une circulaire ministérielle (ICI) – on remarquera, à nouveau, la mise de côté du parlement ! – autorisant l’exécutif (les bourgmestres) à prononcer des interdictions préventives de manifester à l’encontre de citoyens qui seraient susceptibles de causer des troubles à l’ordre public. Il s’agit là de la criminalisation de personnes en dehors de tout passage à l’acte de celles-ci. Elle crée un délit d’intention !
Cette circulaire ministérielle viole ainsi l’un des principes fondamentaux d’un État de droit : la nécessité d’un commencement d’exécution d’un acte délictuel pour être poursuivi et éventuellement condamné par la justice.
Elle devient clairement un élément supplémentaire dans la mise en place d’une politique “préventive” de répression policière des manifestations, de plus en prégnante ces dernières années, visant à décourager la participation à des manifestations.
Où l’on substitue l’autorité administrative à l’autorité judiciaire
Ces nouveaux pouvoirs donnés aux bourgmestres ne sont justifiés par aucun argument sérieux en matière de protection de la population. En outre, l’arsenal juridique existant est amplement suffisant pour réprimer les dits casseurs. L’effet principal sera de conforter encore plus les pratiques constatées depuis plusieurs années lors des manifestations, visant à harceler des opposants politiques, les militants syndicaux… notamment par l’interdiction de rejoindre un cortège, par les interpellations arbitraires non suivies de poursuites, les fameuses arrestations administratives.
Cette circulaire scélérate pourra s’appuyer sans vergogne sur les outils nécessaires à son application et sa généralisation : l’identification et le « fichage » automatisé des militants et des militantes. A cet effet, la ministre nous apprend que pour rendre applicable sa circulaire, les corps de police locale pourront consulter la « Banque de données nationale générale » (BNG) qui listera les personnes faisant l’objet d’une interdiction de manifester. Mais qui alimente ce fichier ? Qui peut le modifier ?… Silence !
Cette circulaire est tout sauf mineure. Du point de vue des libertés publiques, elle est extrêmement préoccupante car elle révèle l’existence (ou la création) d’un fichier politique contraire au droit. Elle assimile des opposants politiques, des militants syndicaux à des délinquants. Jusqu’à ce jour seul un juge pouvait interdire à une personne condamnée pénalement de manifester durant une période déterminée – ce qui pour nous est déjà inadmissible ; désormais l’administration locale pourra décider de la liberté d’aller et venir d’un citoyen. Un « pronostic » de violences contre les personnes, les biens, les institutions qui pourraient avoir lieu lors de manifestations ne peut justifier qu’un exécutif s’arroge des pouvoirs exorbitants et décréter qui peut ou ne peut pas manifester.
Une circulaire de circonstance ?
Cette circulaire, constitutive d’un climat de répression généralisée, est indissociable de tous les autres textes liberticides, elle constitue un élément d’un bloc dangereux pour nos libertés. On passe ainsi d’un régime de relative liberté pour tous à un régime de suspicion et de contrôle de tous.
Tout concourt aujourd’hui à ce que des manifestations et des révoltes se produisent avec détermination pour exprimer le mécontentement général des travailleurs et de la population. On peut légitimement se poser la question de savoir si cette circulaire Verlinden ne vise pas dès lors à protéger le Gouvernement de ce mécontentement qui gronde, à anticiper les colères et revendications populaires qui se dessinent face à la situation catastrophique d’aujourd’hui.
Il y a derrière cette nouvelle circulaire une volonté de cadenasser le pays, pour étouffer toutes les revendications sociales et démocratiques ; une volonté de renforcer encore l’arsenal répressif pour prévenir ou mater les soulèvements de la population.
Cette circulaire est une menace pour tous les citoyens, car au-delà des « émeutiers », ce sont en fait les mouvements sociaux et les libertés individuelles qui sont visés.
Face à l’élargissement des champs d’application des lois et circulaires ministérielles liées à la sécurité publique, et devant les pouvoirs de plus en plus larges donnés à la police et aux bourgmestres en matière de prévention d’atteintes potentielles à la sécurité publique, la défense des libertés et droits fondamentaux appelle une mobilisation générale pour exiger :
Le Retrait de la circulaire Verlinden !
Le Retrait de toutes les lois et circulaires liberticides !
Le CLP-KVD s’associera à tous les groupements, toutes les initiatives pour s’opposer au projet dit « anti-casseurs » « anti-émeutiers » qui n’est pas sans rappeler des textes de sinistre mémoire.
Bruxelles, 15 septembre 2022
Télécharger Communiqué : Non à la circulaire scélérate de la ministre de l’intérieur Verlinden !
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