Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète
« Si ce trio (Aramco, Gazprom, China Energy) était un pays, il incarnerait la troisième nation la plus émettrice, juste derrière la Chine et les États-Unis. » Dans Criminels Climatiques, Mickaël Correia réalise une enquête sur les 3 entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre au monde et démontre les limites de l’action individuelles. En effet, le discours dominant dans le débat public est que la lutte contre la menace climatique serait une question de discipline individuelle. De Jacques Attali en passant par Pierre Rabhi, tous clament que chacun de nous pourra mettre fin à la catastrophe en cours en adoptant au quotidien des éco-gestes, exonérant les multinationales et leurs propriétaires. Or, des études ont démontré que l’obtiendrait une diminution de ses émissions que de l’ordre de 25 % ! Le mythe du colibri prend du plomb dans l’aile !
On ne discutera pas dans ce livre de réchauffement climatique ; le titre est explicite, on parle ici des criminels qui y contribuent : le pétrole ne suinte pas spontanément sur les sables d’Arabie et le gaz ne se répand pas par mégarde dans l’air glacé de Sibérie.
Le livre, forcément très bien informé et évidemment factuel, examine avec des chiffres incontestés les machinations des multinationales, qui se moquent comme d’une guigne du degré Celsius, et des États engagés dans la Cop-21, qui ne se souviennent plus très bien de ce qu’ils ont signé : hypocrisie mondiale et milliards de dollars. On ne verra pas là une énième contribution « écologique », mais une attaque résolue et militante contre la soif aberrante et criminelle de quelques monopoles impérialistes qui ruinent l’avenir de l’humanité.
Évidemment, Gazprom (le livre était prémonitoire quant à la question de l’Ukraine !). La bataille autour des oléoducs et gazoducs vers l’Europe, ouverte ou contournée, porte sur des milliards de mètres cubes et de dollars. On trouvera dans le livre un dossier impressionnant sur cette entreprise mafieuse au sommet du système Poutine. Sur ce dossier, plane évidemment le revers de cette médaille d’ennemi du climat, le sympathique marchand américain qui, de son côté, a fracturé démocratiquement le sol des Etats-Unis. Des noms connus ? Abramovitch, oligarque proche de Poutine; Medvedev, ancien président de Russie entre deux Poutine, Schröder, eh oui ! le chancelier allemand social-démocrate.
SOUS CONTRÔLE DE WALL STREET
Évidemment, Aramco : une simple opération à Wall Street, des noms qui ne vous étonneront pas, Goldman Sachs, Morgan Stanley… sur les fonts baptismaux de cette entreprise saoudienne sous contrôle du capital américain. Quelque vingt milliards de dollars amassés en une séance. L’auteur le dit sans emphase, c’est la force de ce livre, rien ne les arrêtera ; ils créent le besoin de pétrole à proportion de leurs pompages, et, derrière eux, l’industrie s’affole. Et là, l’auteur s’arrête à la mutation de l’économie pétrolière : qui disait pétrole pensait aussi pétrochimie, donc matières plastiques, pollution des mers… C’est là le grand projet nouveau pour inonder la planète.
La crise du Covid a été un excellent moyen pour les profiteurs de pandémie comme on dit des profiteurs de guerre : il a fallu produire en quantités phénoménales (pour les pays riches qui peuvent payer) du matériel en plastique particulier : d’usage unique, non recyclable, une aubaine. On va poursuivre avec le gratin des chercheurs de toutes provenances.
Évidemment, la Chine. L’auteur donne deux dimensions supplémentaires à son exposé : le désordre administratif de la Chine qui permet des initiatives quasi hors la loi des gouvernements provinciaux pour ouvrir des puits de mines de charbon pour suppléer et précisément le besoin d’énergie pour une industrie au développement anarchique et qui pousse à investir (pacifiquement !) toutes les régions du monde en laissant des trous d’arriération énergétique dans le tissu industriel et domestique du pays. On lira que les « entreprises » chinoises aux noms américains fleurissent doucement autour du charbon, en particulier pour les opérations de construction ; la production du ciment est un monstre dévoreur d’énergie donc de charbon.
On l’a dit, le livre est factuel mais l’auteur annonce clairement : c’est le capital criminel, et non l’humanité, qui est l’ultime cause du désordre. Sauf quelques accents parfois, le livre n’est pas sur la ligne de « l’inévitable nécessité de la décroissance ».
R.K.
I.O n°700 avril 2022
« Criminels climatiques : Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète« , Mickaël Correia, Éditions La Découverte, janvier 2022, 192 pages, 19€
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