« La liberté d’expression est un droit fondamental., mais ne doit pas insulter les croyances d’autrui. » Pape François, une semaine après la tuerie de Charlie Hebdo, 7 Janvier 2015.
En rangeant ses papiers, le retraité bienheureux a retrouvé dans son bénitier cette phrase de comptoir apparemment innocente. Dans la famille « Lieux Communs », je demande le pape! Pourtant… Que le libre penseur se penche quelques instants sur cette formule se voulant rassurante… et tellement chargée d’ambiguïté. Nous sommes juste une semaine après cet acte délirant. Nous sommes abasourdis, tristes, glacés d’indignation… Et voilà l’homme à la grande robe blanche se fendant d’une formule « toute faite », le sang à peine séché répandu dans un organe de presse libre, libertaire et… satirique. En fait le libre penseur s’aperçoit très vite que le mot-clef est le verbe insulter.
Pas besoin de dictionnaire, on le sait : insulter est le propre de la cruauté des hommes, abrutis ou fanatiques, rétifs à toute réflexion, vomissant les faibles, les plus fragiles, les plus exposés aux insupportables moqueries. Lieux de prédilection : le stade et ses « supporters », l’arrière-salle du café « Mon Beauf », l’habitacle de la bagnole, la fin de banquet naviguant sur un mélange d’alcool et d’insanités. La liste ne sera jamais limitative : à chacun son domaine ! Amusant, ce sont les mêmes cibles visées par les intégristes des trois religions monothéistes : homosexuels-elles, transgenres, femmes pécheresses, écrivains athées… Donc, la haine machiste, raciale et la mise à l’index se retrouvent autant dans une chambrée de parachutistes que dans les lumières grises des officines religieuses. François le pape commet alors une erreur fondamentale et parfaitement volontaire de vocabulaire.
Le gardien du troupeau catholique confond avec mauvaise foi (!) l’Insulte et le Blasphème. L’une est entièrement subordonnée à l’immonde bêtise humaine. L’autre agit au nom de la Raison, forçant le trait pour une véritable réflexion sur les enfantillages de l’imagerie religieuse. Relisons avec gourmandise Cavanna et sa Lettre ouverte aux culs bénits. Le blasphème, dans l’histoire de la Liberté d’expression est devenu un Droit, partout où la séparation des Églises et de l’État est proclamée par la République. « Partout » relève de l’ironie, quand on sait que certaines démocraties font encore prêter serment sur la Bible et ses histoires à dormir debout. Charb, Cabu, Wolinski et tous les autres sacrifiés n’ont jamais pratiqué l’insulte à la personne, jamais. Oui, leurs dessins mal-polis et leurs textes ironiques et grinçants ont utilisé le blasphème choquant, rigolard, puis faisant surgir l’intelligence sur les dangers de tous les fanatismes. Au pays de Voltaire et Hugo, il est essentiel, même quatre ans après la tuerie, de rétablir ces contresens sémantiques entretenus avec méthode. Cela est très révélateur chez tous les responsables de superstitions organisées.
A vrai dire, qui insulte qui dans ce contexte ? On repense à la célèbre formule de nos cours de récréation : « C’est celui qui le dit qui y est ! » Eh oui, François depuis des siècles, qui insulte l’esprit critique ? Qui passe son temps à nous parler de façon infantile et culpabilisante ? Qui profite de son autorité morale pour abuser de l’innocence traumatisée à jamais ? Qui se moque de l’intelligence en se gargarisant de chasteté (!!!) et « d’esprit de pauvreté » ? Le mensonge éhonté est devenu une Vertu chez les ensoutanés.
C’est bien parce que l’insulte appartient corps et âme aux officines religieuses, que le blasphème est un outil nécessaire à la sauvegarde de notre raison. Quittons-nous sur le sourire de Cavanna, un autre François, moins trouble que l’autre avec sa mitre et ses bagouzes : « N’oublie pas de dire tes blasphèmes du soir, dit la maman athée à son petit garçon. »
Cavanna par Cavanna chez 10/18, préface d’un certain Georges Wolinski. Laurent Benoit
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