« Il n’existe de blasphème que pour ceux qui vénèrent la réalité dite blasphémée. »
Pierre BAYLE (1647-1706)
Les religions tentent d’imposer au Conseil des droits de l’homme de l’ONU que la critique des religions, c’est-à-dire le blasphème dans son sens le plus large, soit considérée comme un crime.
A l’initiative de la République islamique du Pakistan, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a adopté, ce 7 juillet, par 28 voix pour, 12 contre et 7 abstentions une résolution sur la « Lutte contre la haine religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence ». La texte demande « aux États d’adopter des lois, politiques et cadres répressifs nationaux pour remédier, prévenir et poursuivre les actes et les appels à la haine religieuse qui constituent une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, et de prendre des mesures immédiates pour garantir la responsabilisation »1.
Les causes invoquées par les partisans de la résolution sont les exemplaires du Coran brûlé en public en Suède, au Danemark et dans d’autre pays. Ces autodafés porteraient atteinte à la communauté musulmane.
Cette résolution, n’est pas sans rappeler les propos du pape François rapportés par l’Agence Reuter le 15 janvier 2015 : « Le pape François, faisant allusion notamment à l’attaque du siège de Charlie-Hebdo le 7 janvier, a défendu la liberté d’expression tout en estimant qu’il n’était pas bon de provoquer les autres en insultant leur foi, faute de quoi une réaction est à attendre”. “Vous ne pouvez pas provoquer, vous ne pouvez pas insulter la foi des autres, vous ne pouvez pas vous moquer de la foi”, a t-il dit jeudi aux journalistes à bord de l’avion qui le conduisait du Sri Lanka aux Philippines, seconde étape de sa tournée en Asie. […] “Il ne faut pas jouer avec la religion des autres. Ces personnes provoquent et ensuite (quelque chose peut arriver). La liberté d’expression a des limites”. […] »
Cette résolution et les propos du pape ne réclament rien d’autre que la réintroduction du délit de blasphème. Elle ne peut que faciliter les atteintes à la liberté d’expression et le renforcement de la répression. Elle met en danger, là où elles existent, toutes les législations séculières ou laïques protégeant la liberté de conscience, de presse et de création. Pour rappel, comme l’écrit, Bayle, il ne peut y avoir de blasphème, le blasphème est une donnée religieuse qui ne s’applique qu’aux croyants qui considèrent le blasphème comme attentatoire au divin.
La notion de blasphème a largement été utilisée par les religions, notamment toutes les formes de christianisme, et appelle la condamnation de toute parole et ou acte jugés outrageants envers Dieu. De leur côté, les différents courants de l’islam ne sont pas en reste en parlant d’apostasie. En Europe, ce délit moyenâgeux pollue encore le droit applicable dans certains États, en témoignent, par exemple : les articles 198 et 199 du Code pénal grec, les articles 166 du Code pénal allemand, 188 de celui de l’Autriche ou 724 de celui de la République italienne,…
En Belgique, le délit de blasphème n’existe pas2. Pour autant, la liberté d’expression ne saurait aller jusqu’à l’offense envers les personnes à raison de leur religion : le législateur les protège de ces dérives. Le législateur a prévu de réprimer ceux qui, sous couvert de liberté d’expression exercée contre une religion, appellent à la discrimination ou incitent à la haine contre une personne ou un groupe de personnes.
La Libre Pensée ne revendique pas un « droit au blasphème », ce qui serait reconnaître un dogme religieux et l’institutionnaliser, mais se prononce pour une totale liberté d’expression et de critique y compris des religions.
OUI à la critique sans concession de toutes les religions !
NON à la discrimination et à la haine !
Bruxelles, 16 juillet 2023
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1. Le Conseil adopte une résolution sur la lutte contre la haine religieuse
2. Ainsi le code pénal prévoit en son article 144 que « toute personne qui, par faits, paroles, gestes ou menaces, aura outragé les objets d’un culte, soit dans les lieux destinés ou servant habituellement à son exercice, soit dans des cérémonies publiques de ce culte, sera punie d’un emprisonnement de quinze jours à six mois et d’une amende de vingt-six euros à cinq cents euros. Ce qui permet insidieusement de sanctionner le blasphème.
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