Journée internationale de la Libre Pensée : Halte à la guerre!

John Northcot Nash : « Over Top » 1918

Chers amis, chers camarades,

« Plus les hommes seront éclairés, plus ils seront libres. » ces mots attribués à Voltaire, selon Condorcet, résument bien ce qu’entreprend l’Association Internationale de la Libre Pensée en organisant le 20 septembre la journée internationale de la Libre Pensée autour des figures emblématiques de Simon Bolivar et de Giuseppe Garibaldi. Tous les deux, se sont battus pour couper les liens de sujétion de leurs peuples à des puissances étrangères, tous deux ont promu des idées républicaines, démocratiques et de laïcisation de l’État…

Le 20 septembre 1870, les troupes italiennes menées par Garibaldi rentrent dans la cité papale. C’est la fin des états pontificaux, la fin du pouvoir temporel du Pape désormais cantonné dans la sphère privée. Pie IX, c’est l’accoucheur du syllabus avec ses 80 propositions condamnant entre autres : le panthéisme, le rationalisme, le socialisme, le communisme, les sociétés secrètes, le mariage civil. Pie IX, c’est aussi l’infaillibilité du Pape, même quand il a tort, il a raison ! Comme disait Garibaldi : Pie IX ? « Un quintal de fumier ! »

Il faudra attendre l’arrivée du fasciste Mussolini pour faire du Vatican un pseudo-état. Illustration parfaite de l’alliance du sabre et du goupillon.

Si les papes ont perdu leur pouvoir temporel, le pouvoir spirituel des Églises est toujours influent au niveau des États et au niveau d’institutions internationales (Unesco, OIT, U.E…). Les libres penseurs, les athées, les humanistes du monde entier œuvrent pour y mettre fin.

Si Garibaldi porta le combat pour l’unification et l’émancipation du peuple italien, il comprit la portée essentielle de la solidarité internationale entre les peuples et du combat internationaliste.

Après avoir dénoncé l’état de guerre permanent et les armées de métier, voici ce qu’il écrivait  : « [Il n’y aurait] plus d’armées, [il n’y aurait] plus de flottes, et les immenses capitaux, arrachés presque toujours aux besoins et à la misère des peuples pour être dépensés au service de l’extermination, seraient convertis au contraire à l’avantage du peuple dans un développement colossal de l’industrie, dans l’amélioration des routes, dans la construction des ponts, dans le creusement des canaux, dans la fondation d’établissements publics, et dans l’érection d’écoles qui retireraient à la misère et à l’ignorance tant de pauvres créatures qui dans tous les pays du monde, quel que soit leur degré de civilisation, sont condamnés par le calcul égoïste et par la mauvaise administration des classes privilégiées et puissantes à l’abrutissement, à la prostitution de l’âme ou du corps ».

Il n’est donc pas étonnant que les libres penseurs du monde célèbrent ce combat le 20 septembre comme « un hommage aux hommes et aux femmes qui combattent pour la liberté, l’égalité et la fraternité entre les êtres humains et entre les peuples. ».

Chers amis, chers camarades,

Dans sa célèbre lettre « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels » Anatole France, Libre Penseur, constatait que « la première guerre mondiale fut essentiellement l’œuvre des hommes d’argent, que ce sont les hauts industriels des différents États de l’Europe qui, tout d’abord, la voulurent, la rendirent nécessaire, la firent, la prolongèrent. […] Ils en tirèrent d’immenses bénéfices et s’y livrèrent avec tant d’ardeur, qu’ils ruinèrent l’Europe, se ruinèrent eux-mêmes et disloquèrent le monde. »

Quelle lucidité dans ces constats faits en 1922 et quelles réflexions pour aujourd’hui !

En 2023, la barbarie, l’obscurantisme et le fanatisme sont toujours à l’œuvre.

Des millions d’êtres humains sont contraints de quitter leur pays pour fuir la guerre et sauver leur vie, des dizaines de milliers la perdent sur le chemin de l’exil. Des millions de réfugiés se voient enfermés dans des camps de concentration… Nous entrons dans un monde d’affrontements généralisés, de chaos avec leurs cortèges d’horreurs de destructions.

Aujourd’hui, la conscience de l’imminence d’une guerre mondiale dévastatrice monte. Les 500 000 morts ukrainiens et russes hantent le sommeil des peuples d’Europe. La faim tord leur ventre et l’angoisse leur esprit. La destruction des services publics, des acquis sociaux, la hausse des prix alimentaires et de l’énergie qui font que les gens ne peuvent plus s’alimenter, se chauffer… convenablement ne sont pas les conséquences d’une guerre tombée du ciel, ce sont les conditions de son instauration par l’économie de guerre.

Les peuples travailleurs ont bien conscience qu’ils sont face à une guerre sociale. Leurs yeux sont tournés vers l’Allemagne, où un puissant mouvement contre la guerre, pour l’arrêt immédiat des combats et des négociations sans préalables se développe, malgré les attaques de la presse et la censure. Vers l’Italie, où les dockers et leur syndicat ont refusé de charger des navires d’armes. Vers la Grèce, la Grande-Bretagne et l’Espagne, où les manifestations se multiplient contre la guerre. En France, où la jeunesse refuse l’embrigadement dans le sinistre Service National Universel (SNU) ; reliant la guerre à l’exploitation : « Ni chair à canons, ni chair à patrons ! »

Mettre fin à ce chaos ambiant, à la barbarie militariste qui s’étend, voilà le défi qui se pose à l’humanité et aux libres penseurs qui sont partie prenante de cette humanité.

On ne peut conclure cette brève allocution sans évoquer notre combat – rejoint par d’autres associations se réclamant du pacifisme – pour la réhabilitation pleine et entière des fusillés pour l’exemple de la guerre impérialiste de 1914-1918. C’est un combat central de notre association, un combat pour que le soldat reste un citoyen et non un sujet n’ayant aucun droit.

Ces hommes, paysans et ouvriers belges, envoyés au front pour se battre contre d’autres ouvriers et paysans allemands, ces hommes qui dans l’enfer des combats, dans l’horreur des tranchées ont refusé ce pas de plus vers l’ignominie, ont refusé la guerre, où ceux qui ont été pris au hasard par l’autorité militaire, ces hommes dont des officiers fusilleurs ont voulu faire des exemples, ont été assassinés par des balles belges, et comble de sadisme exécutés par leurs compagnons d’infortune.

Ce que nous voulons, c’est la reconnaissance de dire Non à la mort, Non à la guerre, Non à la barbarie militariste. Rendre justice aux morts du passé, c’est sauver les vivants d’aujourd’hui et de demain.

Chers amis, chers camarades,

Analyser les conflits, ne pas lâcher la proie pour l’ombre, déterminer les responsabilités, voilà des tâches que les libres penseurs doivent mener afin d’aider l’humanité à surmonter la barbarie.

Si toute la solution ne peut venir de la seule activité des libres penseurs, ils peuvent, à leur niveau, jouer le rôle historique qu’ils ont toujours joué : faire la promotion de la laïcité institutionnelle, de l’égalité des droits, de la fraternité, des libertés, facteurs d’unité et de paix entre les peuples.

Le monde est la proie d’attaques contre la laïcité, la liberté de conscience, la libre pensée, le pacifisme. Pour cela nous devons redoubler et affirmer publiquement notre solidarité envers les organisations amies qui subissent les agressions de la réaction. Tel est le cas de la Fédération Nationale de la Libre Pensée (FNLP) du Centre d’Action Laïque (CAL) et associations pacifistes.

Ni dieu, ni maître ! A bas la Calotte ! Vive la Sociale !

Vive la libre pensée nationale et internationale !

Maudite soit la guerre, à bas toutes les guerres !

Réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple !

Bruxelles, le 20 septembre 2023