Bella Ciao


Contrairement à de nombreuses chansons révolutionnaires dont la date de création, même si l’auteur est inconnu, est quasi certaine, La Bella Ciao que nous connaissons est un vrai sujet d’étude pour historien.

Tout aurait commencé par quelques notes dans une contine yiddish dont on trouve un enregistrement par Mishka Tziganoff russe, chrétien in 1919 à … New York !

D’où est-elle partie ? Comment est-elle arrivée là ? Est-ce cette version qui est à l’origine de l’hymne connu ? Seule certitude des experts, les caractéristiques russes de la mélodie.

Dans les années 20, les pogroms s’intensifient en Europe de l’Est et de nombreux réfugiés s’exilent. Certains migrants autrichiens passent les Alpes et amènent avec eux leurs coutumes et leurs chants.

Le Yiddish étant considéré comme la langue du prolétariat juif, il est possible que cette chanson pour enfant ait fait le voyage dans leurs bagages jusqu’aux rives du Pô.

En 1943 les événements se précipitent en Italie, débarquement allié à Salerne, chute de Mussolini et en septembre 1943 la signature d’un accord entre les alliés et l’Italie ce qui provoque immédiatement la réaction nazie et l’invasion par les troupes du Reich de tout le nord de la péninsule.

La mélodie est connue de quelques résistants des unités gappistes de la région de Modène et de Bologne, tels les combattants de la Section russe du Bataillon allié ou ceux des autres unités de la République des partisans de Montefiorino. Mais la majorité des résistants italiens chantent surtout Fischia il vento sur un air russe ou Bandiera rossa, deux hymnes ouvertement communistes.

Deux versions de Bella Ciao vont alors se succéder (1945 et 1951 de Vasco Scanzani)

Le chaînon
manquant ?

L’aventure de la chanson ne s’arrête pas là.

Ce n’est qu’en 1961 que sera découverte la version des “Mondine” de Giovanna Daffini, un chant populaire piémontais d’avant-guerre qui utilise exactement la même mélodie. Il exprime la contestation des « mondine (pluriel de mondina) », les émondeuses-repiqueuses de riz travaillant dur jusqu’à 12 heures par jour, le dos courbé, en tenue courte pour ne pas mouiller leurs habits, exposées aux moustiques et aux regards des surveillants. Le film “ Riz amer”  de Giuseppe De Santis raconte leurs vies.

À partir de 13 ans, Giovanna Daffini travaille dans ces champs de la plaine du Pô. Avec son mari violoniste, elle part ensuite sur les routes avec dans son répertoire des chansons de mondine et d’émigrants et deviendra La voce delle mondine. Durant la guerre, elle rejoindra la résistance, augmentant alors son bagage avec les chansons de la lutte des classes.

La boucle est bouclée. Par enrichissements successifs, les quelques notes russes sont devenues la mélodie entraînante que nous connaissons tous.

Durant la guerre froide, Bella Ciao avec ses paroles consensuelles ne mentionnant que des «envahisseurs» sera systématiquement mise en avant. Fini les révoltes prolétariennes et les drapeaux rouges.

Contre les pogroms, contre le fascisme, contre les grands propriétaires… Bella ciao est donc le chant de toutes les résistances.

Version adaptée
des partisans

Una mattina mi sono alzato

O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao

ciao

Una mattina mi sono alzato

E ho trovato l’invasor

O partigiano portami via O bella …

O partigiano portami via

Ché mi sento di morir

E se io muoio da partigiano O bella …

E se io muoio da partigiano

Tu mi devi seppellir

E seppellire lassù in montagna O bella …

E seppellire lassù in montagna

Sotto l’ombra di un bel fior

Tutte le genti che passeranno O bella …

Tutte le genti che passeranno

Mi diranno: che bel fior

E quest’è il fiore del partigiano O bella …

Quest’è il fiore del partigiano

Morto per la libertà

Bella Ciao

Le Journal des Libres penseurs des Bouches-du-Rhône – septembre 2021