Réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple: Position des partis francophones


« Les Sentiers de la Gloire » de S. Kubrick

Le CLP/KVD s’honore d’avoir remis en avant la question des Fusillés pour l’exemple de la Guerre de 1914-1918. A la suite de ses initiatives, des personnes et des associations comme Pierre Galand (sénateur honoraire), Christophe Lacroix (député PS), la CNAPD, Vrede, Agir pour la Paix, la Ligue des Droits Humains, la FGTB et l’association Joseph Jacquemotte, nous ont rejoint et se mobilisent pour obtenir la réhabilitation collective des 11 Fusillés pour l’exemple.

A l’occasion des élections, la CNAPD a demandé aux partis politiques francophones représentés à la Chambre s’ils étaient prêts à soutenir une Résolution du Parlement et à proposer l’érection d’un monument reconnaissant effectivement que ces soldats ne sont pas morts pour la Belgique, mais bien par la Belgique.

Questionnaire-mémorandum de la CNAPD – Élections de juin 2024

Synthèse des réponses des partis – Réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale

Réponses : Défi, Mouvement Réformateur, ECOLO, Parti Socialiste, Les Engagés, Parti du travail de Belgique

1. Fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale (fédéral)

Entre 1914 et 1918, la justice militaire belge prononça quelque 101 condamnations à mort définitives sur 223 peines de mort prononcées en première instance. Neuf soldats furent effectivement exécutés, après une condamnation pour « infractions militaires » selon la terminologie officielle, c’est-à-dire pour des faits relevant de la désobéissance militaire (l’abandon de poste et le refus d’obéissance constituaient les principaux motifs invoqués). Ces hommes, qui n’avaient commis aucun crime de droit commun, sont entrés dans la mémoire collective sous le terme de « fusillés pour l’exemple ». Le travail de recherche historique a permis d’établir qu’ils ont été victimes d’un déni de justice. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, de nombreuses associations ont relayé et conforté les démarches de leurs familles pour obtenir leur réhabilitation et laver leur honneur. Un travail qui n’a cessé depuis.

Techniquement, ces neuf personnes fusillées pour l’exemple ont été juridiquement amnistiées par la loi d’amnistie du 3 janvier 1940. Une amnistie qui ne dit rien d’une éventuelle reconnaissance officielle leur exécution par les conseils de guerre, donc par l’État. Or, contrairement à d’autres pays alliés, la Belgique n’a pas porté à son terme le processus de reconnaissance nationale pour une véritable Réhabilitation morale, civique et collective des 9 Fusillés belges pour l’exemple de la Guerre de 1914-1918, permettant leur réintégration dans la mémoire collective. Cette réhabilitation doit passer d’abord et avant tout parle vote d’une Résolution de la Chambre des Représentants.

Q1. Votre parti soutient-il l’idée d’une réhabilitation morale, civique et collective des 9 Fusillés belges pour l’exemple de la Guerre de 1914-1918 ?

Réponses : Défi, Mouvement réformateur, Ecolo, Parti Socialiste, Les Engagés, Parti du Travail de Belgique.

Pourquoi ?

Il est important de ne pas confondre les « fusillés pour l’exemple ›› avec les hommes considérés comme traîtres ou déserteurs. Dans le cas des 9 hommes dont il est question, ils ont [souvent ? mot illisible] subis un déni de justice. Cependant, refaire un procès 100 ans après les combats est complexe. C’est plus un sujet judiciaire que politique.

Lors de la précédente législature, une enquête sur le sujet a été confiée à l’Ecole royale militaire, sous la houlette du titulaire de sa chaire de droit, Stanislas Horvat. Cette minutieuse reconstitution des procès et des exécutions fait, elle, tout d’abord, le constat des circonstances et conditions chaotiques dans lesquelles les tribunaux militaires ont dû rendre justice et qui, en l’espèce, ont rendu des décisions, certes sévères, mais sans bavure. Le deuxième enseignement que nous pouvons tirer de ce rapport est que, si elle peut être présentée simplement, l’histoire est néanmoins complexe et amène pour chacun de ces individus à une réflexion individuelle d’accorder le pardon ou non, et sur la nature de ce dernier.

Le Mouvement Réformateur souligne l’importance d’agir dans la nuance et de prendre en compte la complexité de l’histoire avant de rouvrir les débats sur cette question des fusillés où se mêlent aspects historiques, juridiques et affectifs.

Nous soutenons cette idée car nous pensons que les dénis de justice doivent pouvoir être reconnus, et que leurs victimes doivent être réhabilitées. Le processus de reconnaissance nationale doit être mené à son terme. Il s’agit aussi de faire en sorte que de telles pratiques ne puissent plus advenir à l’avenir.

Chaque cas devra faire l’objet d’un examen historique. Comme l‘indique la motion déposée par le groupe PS à Farciennes (dont l’un des fusillés provenait), adopté par son conseil communal,

« Le travail de mémoire joue un rôle déterminant quant aux enseignements que nos concitoyens peuvent tirer d’évènements constitutifs de notre conscience collective. Ce travail suppose, aux travers d’incessantes recherches, une approche scientifique rigoureuse ne faisant abstraction d’aucun aspect des pages les plus marquantes de notre Histoire. Il en découle une nécessaire prise en compte, dans une dimension commémorative, de l’ensemble des connaissances partagées de notre passé reposant sur des faits avérés. La commémoration de la fin de la guerre 1914-1918 donne lieu au niveau local comme au niveau national à des évènements organisés par des institutions ou des associations, évoquant l’horreur des combats de cette Première Guerre mondiale, de ses millions de morts et de blessés. Elle conduit de nouveau à prendre la mesure des sacrifices, des peurs et des souffrances d’hommes engagés sur un front devenu un immense charnier. Or, l‘hommage qui leur est rendu se doit de prendre en considération la totalité des victimes. Ainsi, parmi eux, 9 soldats parvenus aux limites de l‘endurance physique et morale face à un tel massacre, ou parce que leur conscience ou leur valeur humaniste le leur dictait, ont refusé de prendre part au combat. Ces hommes, qui n’avaient commis aucun crime de droit commun, uniquement accusé de lâcheté, ces fusillés pour l’exemple, furent passés par les armes au terme de conseils de guerre réunis dans les conditions ouvrant la voie aux décisions arbitraires et au non-respect des droits les plus élémentaires de la défense. Dès la fin de la première Guerre mondiale, de nombreuses associations ont relayé et conforté les démarches de leurs familles pour obtenir leur réhabilitation. Sans chercher à réécrire l‘histoire ou à l’instrumentaliser, le temps est venu d’un acte symbolique et solennel permettant la réintégration des condamnés pour l’exemple dans la mémoire collective. A l’heure où, aujourd’hui encore, des guerres sévissent dans le monde, où de jeunes ou moins jeunes soldats, embrigadés sur les champs de bataille, risquent le pire s’ils refusent de combattre, Nous, conseillères et conseillers communaux, avons aussi nos responsabilités dans cette mémoire »

Les Engagés sont attachés à ce pilier fondamental qu’est la Justice. Même un siècle plus tard, il faut pouvoir reconnaître que des simulacres de procès ont conduit à la mort de ces personnes dont le seul « crime » était la fuite.

Le mouvement des Engagés reste fondamentalement opposé à la peine de mort.

« On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels ». Anatole France a résumé l’enjeu de la première guerre mondiale. La position de ces soldats qui ont refusé de participer à cette boucherie était juste. Des millions de travailleurs sont morts dans les tranchées allemandes et alliées. Il est dès lors logique de réhabiliter leur mémoire et leur courage, y compris par l’érection d’un monument.

Q2. Votre parti est-il en faveur de l’érection d’un monument (statuaire ou plaque commémorative) dédié à la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple de la Guerre 1914-1918 ?

Pourquoi ?

Cela devrait se réaliser en concordance avec la réhabilitation, qui est plus judiciaire que politique. C’est donc en concordance avec un jugement définitif qu’il faudra se pencher sur l’érection d’un monument.

Cette question s’inscrit dans la continuité de la précédente et appelle également une réponse raisonnée et nuancée qui devra faire suite à une analyse individuelle et approfondie de chaque cas et la décision parlementaire qui s’en suivra.

Nous pensons que l’érection d’un tel monument serait à même de rendre justice aux victimes. Les atrocités de cette guerre doivent être commémorées, y compris celles qui sont le fait de l’État belge comme c’est le cas en l’occurrence.

Un tel monument permettrait de disposer d’un lieu mémoriel spécifique pour que tous puissent connaître l’histoire de ces hommes.

Un trajet de mémoire doit être initié afin de faire toute la clarté et amener la reconnaissance nécessaire à ces moments sombres de notre histoire. Les Engagés peuvent souscrire à la création d’une plaque commémorative et explicative.