A chaque visite papale, on nous ressort les mêmes inepties. Par ignorance ou par calcul, c’est selon. Mais, bon gré mal gré, on nous dit « que voulez-vous, le pape est un chef d’État » ; parfois, des laïques bien intentionnés se récriant contre cette affirmation osée affirment « c’est un État totalitaire ».
Et bien, non ! Le Vatican n’est pas un État, ni dictatorial, ni même théocratique.
Il n’est pas un État du tout.
Origines
Grâce à Pépin le Bref, cher au Président Sarkozy, pour des raisons qui sont, peut-être, de l’ordre de l’identification psychanalytique, les États Pontificaux sont créés en 756. Sous l’autorité temporelle du Pape, ils vont évoluer tout au long du Moyen-Age comme n’importe quelle structure féodale, ni plus ni moins : extensions, conquêtes, querelles, conflits, scissions.
Les choses changent avec la Révolution française et la condamnation par le pape de celle-ci. La population d’Avignon, par exemple, alors sous domination papale décide de demander son rattachement à la France ; ce qui fut fait en 1791. C’est un des premiers exemples du droit des peuples à disposer d’eux mêmes.
Les États Pontificaux forment à cette époque – et le resteront tout au long du XIXe siècle – une partie essentielle du centre de l’Italie, autour de Rome, de l’Adriatique à la Tyrrhénienne, empêchant l’unité de la Nation italienne. Voilà pourquoi tous les unitaires italiens, de Buonarroti à Garibaldi, combattront l’existence de ces États, à la fois, spirituels et temporels.
C’est l’intervention des troupes de Napoléon III, dit « le Petit » (décidément !) qui permet le maintien de ces États en 1867. La chute du second Empire en 1870 voit l’entrée des troupes italiennes à Rome, par la Porte Pia (saluée au Congrès international de la Libre Pensée de 1904). L’unité de l’Italie est réalisée et Rome devient logiquement sa capitale.
Il n’y a plus, dès lors, de pouvoir temporel du pape. Celui-ci, Pie IX, conteste ces décisions et se qualifie de « prisonnier du Vatican », refusant les tentatives de tractations de l’État italien ; ses successeurs agiront de même. Nous remarquerons que cela n’a pas empêché l’Église catholique ni d’exister ni de fonctionner (Condamnation du modernisme, de la loi de Séparation de 1905 etc.). L’Église catholique n’a pas besoin d’un État pour fonctionner. L’affirmation de La grande Encyclopédie des pays, publiée par le Figaro-Magazine « l’autonomie de l’État du Vatican … est nécessaire… pour assurer l’indépendance de la charge du pape » est une contre-vérité. L’Histoire l’a prouvé.
Les Accords de Latran (ou « du Latran »)
Après l’échec de la vague révolutionnaire de 1917-1922, sur la base de l’écrasement du mouvement ouvrier, Mussolini prend le pouvoir en 1922, la même année que le pape Pie XI [1]. Le pouvoir fasciste n’est cependant pas stable : l’assassinat du dirigeant socialiste Matteotti en 1924 et la proclamation des lois dites « ultra-fascistes » sont plus un signe de faiblesse que de force. Mussolini a besoin d’une forme de reconnaissance internationale d’où ses négociations avec le pape qui, lui même, a besoin de pérenniser et de clarifier sa situation.
Les accords du Latran sont signés le 11 février 1929 par Benito Mussolini en personne. Le quartier de 44 hectares (l’équivalent de la distance entre deux stations de métros) du Vatican est déclaré indépendant le 7 juin 1929. Acte bilatéral entre l’Église catholique et le régime fasciste.
Qui est le père du Vatican ? Mussolini !
Si l’éradication du fascisme a un sens, elle doit aller jusqu’à la dénonciation internationale de ce traité. Tout gouvernement, tout ministre qui oublie cela se rend complice des crimes fascistes. Les accords du Latran donnent un statut spécial à l’Église catholique romaine en Italie. Ils comprennent également un traité de reconnaissance de l’indépendance et de la souveraineté du Vatican ; un concordat définissant les relations entre le Gouvernement italien et l’Église ; un volet financier dédommageant le Vatican de la perte de ses États en 1870.
C’est à dire que l’Italie a payé un dédommagement au pape pour avoir occupé une partie de l’Italie. Imagine-t-on un propriétaire dédommageant un squatteur ? Un volé dédommageant un voleur ? Nous pouvons affirmer que le Vatican n’est pas historiquement un État mais une création du fascisme. Nous noterons également que, comme le Concordat nazi de 1933, cette création fasciste est toujours en vigueur.
Certes, en 1984, un concordat entre le Vatican et l’Italie a modifié certaines dispositions du traité. Libre-penseurs de France, il ne nous appartient, ni de près ni de loin, d’établir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas dans d’autres pays. Chacun doit balayer devant sa porte mais nous savons tous que l’existence d’un Concordat, de relations établies de puissance à puissance entre l’Église catholique et un État est la négation de la souveraineté de l’État et que le bon sens comme la politique recommandent de rejeter tout Concordat.
Finances
Un mot a été dit des finances du Vatican. Soyons plus précis. La grande Encyclopédie des pays écrit : « Sa richesse lui vient en grande partie des fonds remis en dédommagement de l’annexion du reste des États pontificaux par l’État italien lors de la dissolution de l’ancien État pontifical. Ce sont les intérêts de cet argent, place dans diverses entreprises, qui constituent une grande partie des fonds de l’État ». Passons sur le vocabulaire : le retour à l’Italie du Latium devient « annexion ». Quel est le fond du problème ?
La restitution des sommes versées par Mussolini (et payés par les citoyens italiens) comme de leurs intérêts est une revendication de base : les Italiens devraient-ils payer l’occupation de leur territoire ? Seuls, les traités de paix les plus sauvages, celui de Versailles en 1871, par exemple, le prévoient. Il faut donc annuler le traité de Latran et, en conséquence, restituer au peuple italien les sommes volées par Mussolini et la papauté. Le catholique J. Mercier écrit qu’il s’agit de « au cours de 1929, 830 millions de lires » [2].
Institutions
Le pape dispose de tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Le Vatican est une dictature explicite. Les institutions du Vatican sont réglées par une « constitution », dont la première mouture a été rédigée par Pie XI au moment des accords du Latran. Actuellement, le Vatican est régi par la loi fondamentale du 22 février 2001.
Voici les articles essentiels :
« Article premier
1. Le Souverain Pontife, souverain de l’État de la Cité du Vatican, a la plénitude des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Article 2
La représentation de l’État dans ses rapports avec les États étrangers et avec les autres sujets de droit international, pour les relations diplomatiques et pour la conclusion des traités, est réservée au Souverain Pontife, qui l’exerce par l’intermédiaire de la Secrétairerie d’État
Article 3
1. Le pouvoir législatif, à l’exception des cas que le Souverain Pontife entend réserver à lui-même ou à d’autres instances, est exercé par une Commission composée d’un cardinal président et d’autres cardinaux, tous nommés par le Souverain Pontife pour cinq ans.
Article 4
1. La Commission exerce son pourvoir dans les limites de la loi sur les sources du droit et selon les dispositions pertinentes de son propre règlement.
3. Les projets de loi sont préalablement soumis, par l’intermédiaire de la Secrétairerie d’État, à l’attention du Souverain Pontife.
Article 12
Le budget prévisionnel et les comptes de l’État, après approbation de la Commission, sont soumis au Souverain Pontife par l’intermédiaire de la Secrétairerie d’État.
Article 15
1. Le pouvoir judiciaire est exercé, au nom du Souverain Pontife, par les organes constitués au sein de l’organisation judiciaire de l’État.
Article 16
En toute cause civile ou pénale et tout état de celle-ci, le Souverain Pontife peut en déférer l’instruction et la décision à une instance particulière, et lui donner la faculté de se prononcer en équité et sans recours ultérieur possible.
Article 17
1. Excepté ce que dispose l’article suivant, quiconque considère avoir été lésé dans son droit ou intérêt légitime par un acte administratif peut intenter un recours hiérarchique ou s’adresser à l’autorité judiciaire compétente.
2. Le recours hiérarchique éteint, dans la même matière, l’action judiciaire, sauf dérogation autorisée au cas par cas par le Souverain Pontife.
Article 18
1. Les conflits relatifs aux rapports de travail entre les salariés de l’État et l’administration relèvent de la compétence de l’office du travail du Siège apostolique , selon son statut propre.
2. les recours contre les mesures disciplinaires prises contre les salariés de l’État peuvent être portés devant la cour d’appel, selon ses règles propres.
Article 19
La faculté d’accorder les amnisties, les remises de peine, les pardons et les grâces est réservée au Souverain pontife. »
Faut-il commenter ? Oui, avec Montesquieu écrivant, comme on le sait, sur la séparation des pouvoirs : « Chez les Turcs où les trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme ».
Le Vatican est un affreux despotisme !
La grande Encyclopédie des pays parle de « monarchie absolue ». Dans le cadre de la religion catholique, c’est une évidence mais c’est le problème des seuls catholiques ; les libre-penseurs ne donneront certes pas d’idée ou de suggestion pour réformer l’Église. Mais quelles sont les autres monarchies absolues ? Peut-être dans quelques îles du Pacifique ? La monarchie absolue a été abolie au Népal en 2006, suite à une série de manifestations et de grèves. Il existe également la monarchie absolue au Swaziland mais une grève générale en juillet 2007 s’y est violemment opposée. Il faut dire que la population du Swaziland est supérieure au million d’habitants, ce qui n’a rien de comparable aux centaines de logés du Vatican. Même de ce point de vue, le Vatican est une survivance moyenâgeuse.
Citoyenneté
La citoyenneté vaticane n’est pas l’expression d’une appartenance nationale. D’ailleurs, il n’y a aucune élection générale. La majorité des habitants du Vatican ne possède pas cette citoyenneté. Elle est liée uniquement à l’exercice de fonctions au sein du Vatican ou du Saint-Siège. Dès que ces fonctions cessent, la citoyenneté cesse. Le Vatican a inventé la citoyenneté en CDD. Notons une disposition prouvant, à elle seule, la misogynie congénitale de l’Église : la citoyenneté est attribuée également au conjoint et à la famille des fonctionnaires du Vatican. Les garçons en perdent les bénéfices à l’âge de 25 ans et les filles, au moment de leur mariage. Les femmes n’existent que mariées. Le Vatican est le seul État sans citoyens !
Parce qu’un État c’est la forme organisée d’une Nation, c’est un territoire, une population, une citoyenneté, le produit d’une histoire libre, une forme d’organisation interne qui peut être modifiée par les citoyens, le Vatican n’est pas une Nation et encore moins un État.
Le pape ne peut se prévaloir des droits accordés à un chef d’État.
par Jean-Marc Schiappa
Institut de Recherche et d’Étude de la Libre Pensée
___________________________________
[1] Sur la politique internationale du Vatican entre les deux guerres, nous renvoyons à l’ouvrage exhaustif de notre camarade A. Lacroix-Riz, Le Vatican, l’Europe, le Reich.
[2] J. Mercier, Vingt siècles d’histoire du Vatican », 1976, p. 407
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.