Avec la Libre Pensée, Non à la venue du pape ! Oui à Séparation des Églises et de l’État !


Les 26, 27, 28 et 29 septembre 2024, Jorge Mario Bergoglio, plus connu comme souverain pontife sous le nom de François, sera en Belgique après un passage par le Grand-duché du Luxembourg. Il sera accueilli officiellement par le chef de l’État (le roi) en tant que chef d’État, s’adressera à la Nation en présence de représentants des corps constitués, de l’Église romaine et des autres cultes reconnus ainsi que de la société civile. Il rencontrera aussi le Premier ministre, Alexander De Croo ou son successeur, si un nouveau gouvernement est formé d’ici là. La visite se terminera par une messe au stade roi Baudouin (1) à laquelle assistera le roi ès qualités. Comme tous ceux avant lui, le roi pliera, sans doute, le genou devant le pape, marquant ainsi la déférente subordination de l’État belge au Vatican.

Le projet d’inviter le pape en Belgique n’est pas récent. En avril 2023, les recteurs de la KU Leuven et de l’UC Louvain, avec le soutien de évêques belges et de responsables politiques de la région flamande, avaient déjà sollicité le pape. Au mois de septembre de la même année, le roi, familier du Vatican a eu une entrevue, à titre privée. Entrevue au cours de laquelle lui a été remis une invitation à venir en Belgique. 

Officiellement, la venue du pontife serait justifiée par la béatification d’Anne de Jésus ainsi que pour célébrer le six-centième anniversaire de l’université catholique de Leuven (qui aura lieu en… 2025!) et réfléchir sur « … la question du statut de l’Université, notamment l’évolution de la recherche. » (2). Le Vatican entend-il reprendre le contrôle de la KUL et de l’UCL, qui, ces dernières années, se sont dissociées en partie des positions du Vatican sur l’homosexualité, le mariage pour tous, l’IVG…

Il ne fait toutefois aucun doute que la venue du pape, à la demande de l’Église romaine et du sommet de l’État belge, est à mettre en lien avec les scandales qui ont secoué et secouent l’Église catholique belge : couverture par les plus hautes autorités de l’Église des crimes sexuels commis par ses serviteurs à l’encontre d’enfants et de sœurs, vente d’enfants arrachés à leur mère. Comme le confirme le porte-parole de la Conférence des Évêques de Belgique « c’est au moment où on traverse des problèmes, qu’on a besoin d’amis » (3).

Le traitement politique et médiatique qui entoure la visite du pape appelle de nombreux questionnements au regard de la neutralité de l’État : rôle et place des élus et représentants de l’Etat, respect de l’égalité entre les citoyens quelles que soient leurs religions respectives ou leur absence de religion, conditions de financement du déplacement du pape et de la messe prévue au stade Baudouin.

– On peut à la rigueur considérer le Pape comme un chef d’état, le minuscule État du Vatican, ce que par ailleurs le CLP/KVD conteste (4). L’ONU ne lui accorde-t-il pas qu’une voix consultative ? Mais admettons. Si c’est un « Chef d’État » on peut admettre des rencontres diplomatiques à l’occasion de sa venue. Mais, dès lors que le pape a annoncé qu’il sera en voyage pastoral, qu’il célébrera une messe, qu’il officiera comme ecclésiastique, les autorités de l’État ne peuvent prétendre être présentes à titre officiel. Il y a là une confusion délibérément entretenue entre la visite privée d’un chef religieux et la visite publique d’un « chef d’État ». Il y a donc rupture de la neutralité de l’État, si tant est qu’elle existe en Belgique. Supercherie que nous ne sommes pas les seuls à dénoncer .

– Au nom de quoi et à quel titre, permet-on au chef de l’Église romaine de s’adresser à la « Nation » ? De quelle « Nation » s’agit-il, celle des catholiques ? Les autorités et le roi oublient-ils que la « Nation » est composée de citoyens athées, agnostiques, indifférents aux religions (large majorité des citoyens) et croyants, quels qu’ils soient ? De quel droit une place privilégiée est accordée dans la société à l’Église romaine qui lui permet d’imposer ses points de vue, ses dogmes ? N’est-ce pas là attiser et envenimer la compétition communautariste ; réduire les citoyens à l’une ou l’autre appartenance confessionnelle ; identifier abusivement les Belges de culture chrétienne à une adhésion cultuelle ; considérer la Nation comme bouillie composée de grumeaux convictionnels et identitaires. Il y a donc là discrimination des citoyens en fonction de leurs croyances ou non croyances, une atteinte à la liberté de conscience de certains citoyens. C’est confirmer le privilège dont bénéficie l’Église romaine depuis la création de la Belgique.

– Le séjour du pape va nécessiter des moyens colossaux en hommes et en matériel pour assurer sa sécurité. L’Église romaine – alors qu’elle détient un patrimoine mobilier et immobilier considérable ! – n’aurait pas les moyens d’en assumer la totalité des coûts. Une grande partie de ceux-ci vont être pris en charge par les deux Universités – universités qui se disent sous-financées ! – et par le contribuable. Le CLP/KVD dénonce tout financement public direct ou indirect en faveur de cet événement en particulier et des cultes et convictions philosophiques.

Enfin n’y-a-t-il pas une provocation éhontée de la part de l’évêque de Rome de programmer sa visite le jour de la célébration du droit à l’avortement !

La réception du pape dans ces conditions pose à nouveau la question de l’absolue liberté de conscience en matière métaphysique. Le roi et le gouvernement adoptent une logique concordataire et apportent une réponse claire et provocatrice à ceux qui prétendent que la Séparation des Églises et de l’État est effective en Belgique. Il s’agit bien au contraire de capter encore davantage de fonds publics et d’être associé à la gestion de l’État : l’adresse du pape à la Nation ne peut signifier autre chose.

Le CLP/KVD appelle à participer à toutes les initiatives et mobilisations contre la visite du pape.

Pour la Séparation des cultes et de l’État!

Abolition des privilèges accordés aux Religions !

Bruxelles, 28 août 2024

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1. Mettre à la disposition du pape le stade roi Baudouin soulève deux remarques : cela revient à placer symboliquement un bien public sous protection religieuse, ce qui est inacceptable et choisir ce stade relève de la provocation vis-à-vis des femmes, faut-il rappeler le mépris de ce roi pour le droit des femmes à disposer de leur corps.
2. C’est au moment où…
3. Idem
4. Le Vatican n’est pas un État Dans les instances internationales, le Vatican ne siège pas, c’est le Saint-Siège qui siège.