J.P. Schreiber
La vie au temps de la chose, jeudi 26 septembre. « On savait déjà que cela grenouillait pas mal dans les bénitiers du Palais de Laeken. On savait que la famille royale, loin de toute neutralité, affirmait avec force son appartenance catholique et son penchant charismatique comme elle choisit invariablement de mettre ses enfants à l’école confessionnelle plutôt que publique. On ne savait cependant pas qu’elle oserait ce que même le très bigot roi Baudouin n’avait pas osé…
Ce vendredi 27 septembre, les corps constitués et la société civile sont en effet invités au Château de Laeken à entendre le « Message de Sa Sainteté le Pape François à la Nation ». Vous avez bien lu : ce n’est pas Monsieur Philippe de Belgique, chef de l’État, qui convie un panel d’invités à rencontrer un autre chef d’État, Monsieur Jorge Mario Bergoglio, chef d’État du Vatican ~ un machin un brin théocratique, mais passons. Non, Monsieur de Belgique, sortant de la réserve qu’il sied au chef de l’État de ne pas étaler ses convictions, convie à entendre un message délivré non aux seuls catholiques mais à l’ensemble de la Nation, par un chef religieux qu’on appelle Pape François et que le Palais royal qualifie de « Sainteté »… Privilège qu’au demeurant aucun autre chef religieux ou responsable politique jamais ne s’est vu octroyer. D’aucuns s’offusquent de l’entorse à la séparation de l’Église de l’État. C’est une évidence, mais il y a bien plus, et cela ne me paraît pas anodin.
Au moment où les sociaux-chrétiens et leurs alliés occupés à former un gouvernement, prennent en otage le corps des femmes en refusant que le Parlement souverain fasse enfin adopter une loi autorisant pleinement l’interruption volontaire de grossesse…, le chef de l’État en rajoute une couche et impose à l’ensemble de la Nation le discours conservateur du chef religieux d’une minorité parmi elle. Et ce d’autant plus que cette « Sainteté » ne manque pas de jeter l’opprobre, au nom de l’Institution qu’iel représente, sur deux dispositifs légaux qui font la fierté de notre pays progressiste en matière éthique : la loi sur le mariage pour tous et la loi sur l’euthanasie. Dans un pays pluraliste où la neutralité en matière convictionnelle devrait être la règle pour tous les représentants de la puissance publique, il m’apparaît très clairement que le chef de l’État a commis une faute, une faute grossière. Et que cette faute n’est en rien anodine, mais grave, parce qu’elle sape les fondements mêmes du toujours fragile consensus politico-philosophique dans ce pays. »
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