De viris illustribus… Giuseppe VERDI, en pointillé : musicien, paysan, député… héros national italien universel !


Joseph Fortunin François Verdi le 9 ou le 10 octobre 1813 à Roncole et mort le 27 janvier 1901 à Milan.

VERDI ! [Victor Emmanuel Re D’Italia !, mot d’ordre de l’unification italienne.]

« Paradoxe de l’histoire : c’est le même homme qui, venu à Milan pour étudier la musique grâce à une bourse accordée avec l’assentiment d’une princesse autrichienne (l’archiduchesse Marie-Louise), allait en peu d’années devenir le symbole d’une nation dressée contre la domination des Habsbourg. » Pierre Milza

Verdi, entre Mazzini, Garibaldi et Cavour1 : l’unité italienne

La restauration de 1815, foulant du pied les aspirations des peuples d’Europe déclencha le printemps de ces mêmes peuples divisés par l’absolutisme monarchique (1830, 1848…). L’Italie placée sous le joug de l’Autriche des Habsbourg ne fit pas exception avec le Risorgimento (« renaissance », « résurrection »), période de libération et de révolution (…1848-1861…) au terme de laquelle les rois de la maison de Savoie unifièrent la péninsule italienne. Une expression italienne est restée de cette période mouvementée, « Fare un quarantotto » (faire un 1848), 1848 qui vit l’échec d’une première révolution par manque de cohésion des forces révolutionnaires en présence.

Verdi est mandaté par l’Assemblée des provinces de Parme réunie pour la première fois en septembre 1859, pour l’expulsion des Bourbons du duché et son rattachement au royaume de Piémont-Sardaigne.

P. Milza2 note : Verdi fut chargé par ses collègues de se rendre à Turin pour présenter au roi Victor-Emmanuel II le vote de l’annexion qui, par 17 000 voix contre 225, avait approuvé le rattachement au Piémont. Ce fut un voyage triomphal : à chaque localité où le train s’arrêtait, la municipalité au grand complet venait saluer, musique en tête, le héros et ses compagnons, entourée d’une foule de patriotes et des enfants des écoles, porteurs de bouquets de fleurs et d’insignes tricolores….

Le 18 février 1861, le premier Parlement italien pouvait se réunir à Turin, et le 21 mars, Victor Emmanuel était officiellement proclamé roi d’Italie. Restaient Le Latium pontifical et la Vénétie autrichienne à libérer pour achever l’unité italienne.

Verdi et Garibaldi

P. Milza p 296 note: Lettre de Verdi à Mariani du 27 mai 1860: « Oui, vive Garibaldi ! Parbleu, voilà un homme devant lequel on peut se mettre à genoux ! Tant que tu seras à Gênes, donne-moi de fréquentes nouvelles des affaires de la Sicile, elles m’intéressent beaucoup ».

Pris entre son admiration pour le général en chemise rouge et sa fidélité à Cavour, dont il se sentait désormais plus proche, socialement et politiquement, il ne put que se sentir soulagé par le ralliement de Garibaldi à la dynastie de Savoie. A la demande qui lui est faite d’écrire un hymne à l’unité italienne il répondra : « Vous voudriez que j’écrive la musique d’un hymne, quand le héros à la chemise rouge doit encore parcourir une dernière étape ?… J’ai refusé et je refuserai d’écrire cette musique tant que ce moment ne sera pas arrivé… » (lettre à Capecelatro novembre 1860)

L’opéra est né en Italie

Catherine Brice3 dans son Histoire de l’Italie note : « la musique fut (…) un des vecteurs les plus importants du sentiment national, et tout particulièrement celle de Giuseppe Verdi. L’Opéra (…) né en Italie avec Emilio de Cavalieri dès l’aube du XVIIe siècle (…) puis porté à la perfection avec Monteverdi, demeurait toutefois encore statique et éloigné de la réalité. L’opéra romantique de Rossini, Donizetti ou Bellini fit de cette musique un spectacle populaire. La nature même du théâtre en avait fait, durant les troubles libéraux, le lieu de rassemblement privilégié de ceux qui voulaient le départ des  »occupants ». Les loges étaient propices aux rencontres politiques et aux complots, la grande mobilité des acteurs et chanteurs en tournée leur permettait de colporter idées et documents prohibés. Enfin, les compositeurs eux-mêmes commencèrent à se faire les hérauts de ce désir de liberté, et tout particulièrement Giuseppe Verdi. »

Verdi député du Royaume, à son corps défendant.

Cavour premier ministre du roi Victor Emmanuel le sollicite : « … je considère que votre présence à la Chambre sera de la plus grande utilité. Elle rehaussera l’éclat du Parlement dans le pays et hors des frontières, elle renforcera le crédit du grand parti national que le pays veut créer sur les bases solides de la liberté et de l’ordre. Elle fera une forte impression sur l’imagination de nos collègues de l’Italie méridionale, sur, lesquels le génie artistique exerce plus d’influence que sur celle des habitants de la vallée du Pô. » [cité par P. Milza] Verdi rencontre donc Cavour et accepte d’être candidat par civisme et fidélité au premier ministre. P. Milza note encore : « Il ne tint aucune réunion publique. Il ne signa aucun manifeste…. » Elu, Verdi désirait ne se trouver « ni parmi les Blancs ni parmi les Rouges » Dans une lettre à Place, en février 1865, il écrit : « Verdi n’existe pas comme député », « les 450 ne sont que 449 » Ce n’est qu’à l’issue du débat sur la proclamation toute symbolique de Rome (toujours sous l’autorité papale) capitale, qu’il renonça à la députation.

Verdi et Wagner, le pape de Bayreuth

Le musicien nationaliste italien, magnifia l’anglais Shakespeare (Othello, Falstaff) l’allemand Schiller (Don Carlos), le français Hugo (Rigolletto)… Mais pouvait-il, après la Tétralogie de Wagner, écrire encore le  « bel canto », l’orchestre réduit (c’est méchant !) au rôle de “pompe” pour mettre en valeur un air et son interprète ? Avec Otello, Verdi fit cette révolution. P. Milza note dans Otello, le discours musical est parfaitement continu. Rien ne sépare désormais les récitatifs des airs. L’orchestre n’est pas seulement là pour accompagner le chant : il dialogue avec les chanteurs et dispose d’une autonomie qu’il n’avait pas dans les œuvres de jeunesse.

L’actualité du symbole “Verdi” et du chœur “Va, pensiero”

La Ligue du nord (ex-mussoliniens) réclame l’indépendance du nord de l’Italie, industrielle, riche, « celte » (rebaptisé « Padanie ») contre le sud « pauvre », « paysan »,  »maure », « africain »… on connaît la chanson… sauf que ces squadristes, i figli di una cagna! Ma che ! … ignares de surcroît, ont choisi comme hymne sécessionniste le choeur des esclaves du Nabucho de Verdi (« Va, pensiero ! »), le symbole de l’unification de la nation italienne se libérant du joug autrichien, au prix du sang du peuple.

Pour terminer, cette anecdote de 2011 : le grand chef d’orchestre, Riccardo Muti, dirigeant le Nabucho de Verdi, précédé par un discours du maire dénonçant les coupes budgétaires du gouvernement Berlusconi, dut bisser l’air des esclaves (Va, pensiero !), les choristes en larmes, le public debout !

Une manifestation démocratique !

G. Bruno
Libre Pensée des Alpes de Haute Provence

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1. Cavour important partisan et acteur de l’unité italienne s’opposa ouvertement aux idées républicaines de Giuseppe Mazzini et se trouva souvent en conflit avec Giuseppe Garibaldi dont il craignait les actions et leur potentiel révolutionnaire.
2. Verdi de Pierre Milza, 576. Ed Tempus Perrin, 2005.
3. Histoire de l’Italie de Catherine Brice , 496 p. Ed. Tempus Perrin, 2003.