Vatican : 2014   Recently updated !


Fait très rare dans l’Histoire de l’Église, un pape a démissionné et cédé la place à un homme nouveau. L’Église a dû faire face à des accusations graves, multiples et répétées. En particulier en ce qui concerne la pédophilie des prêtres, mais pas seulement. Les questions d’argent sont aussi récurrentes et les accusations de blanchiment se sont multipliées au cours de ces dernières années. Ces pratiques cependant ne datant pas d’hier, la question se pose : Pourquoi maintenant ?

La raison réside, semble-t-il, dans les rapports entre le Vatican et l’impérialisme américain, le mouvement qui secoue l’Église ayant pris naissance aux USA. (voir l’article : Crises, schismes et impossible réforme de l’Église catholique)

La religion dominante aux USA est le protestantisme qui prend sa source dans la révolte de la bourgeoisie contre l’Église catholique, apostolique et romaine, alliée inconditionnelle de la féodalité et de la monarchie, lesquelles interdisaient l’exercice du pouvoir politique à la classe bourgeoise, qui, pourtant, détenait le pouvoir économique. C’est ainsi qu’Engels dans « La guerre des paysans » pouvait écrire: « … les bourgeois du moyen âge réclamaient une Église à bon marché. […] Cette institution à bon marché aurait eu pour résultat de supprimer les moines, les prélats, la cour romaine, bref, tout ce qui coûtait cher dans l’Église. Etant elles-mêmes des républiques, bien qu’elles fussent placées sous la protection de monarques, les villes par leurs attaques contre la papauté exprimaient pour la première fois sous une forme générale cette vérité que la forme normale de la domination de la bourgeoisie, c’est la république. »

La religion naturelle du capitalisme

Et Marx d’enfoncer le clou : « Le protestantisme est essentiellement une religion bourgeoise. »1. Le Vatican, au service de l’Ancien Régime, s’est dressée contre “l’Église à bon marché”, cet outil idéologique du capitalisme. La confrontation Saint Siège – Maison Blanche est donc loin de surgir du néant.

Au XVIème siècle la bourgeoisie remporte une victoire décisive contre Rome et la papauté sauve difficilement sa mise en France et dans les pays d’Europe du sud. Au nord, c’est la débâcle. Enfin, l’Église doit lâcher ses anciens alliés pour s’inféoder aux nouveaux seigneurs du monde quand la bourgeoisie prend le pouvoir en France en 1789. Ainsi, le cardinal Chiaramonti (futur Pie VII) se rallie dès 1796 au “gouvernement démocratique” mis en place par le général jacobin Augereau, anticipant déjà sur la victoire en Europe de la démocratie bourgeoise sur l’Ancien Régime.

À ces conditions, le Capital en pleine expansion peut se permettre de tolérer l’existence indépendante de l’Église qui apporte une double caution morale et matérielle à l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais le capitalisme est en crise, menacé dans sa domination du monde, il astreint chacun à la défense des USA. Toute forme d’indépendance devient intolérable. C’est ce qui explique l’offensive à laquelle on assiste, car c’est précisément pour ne pas sombrer avec le vaisseau amiral de la flotte capitaliste que le Vatican tente de préserver son indépendance. La question de la pédophilie fait partie des moyens de pression de l’impérialisme US sur cet allié très peu fiable qui a déjà, au cours de l’Histoire, trahi bien des maîtres… et leur a survécu !

Une question qui n’est pas nouvelle

La pédophilie des prêtres n’est pas nouvelle. Le théologien H. Küng, ex-condisciple de Ratzinger, mais passé au service du Capital, a publié un article2 dans lequel il dévoile la cause de cette perversion: “Avec la même franchise pour aborder enfin de front la question des abus sexuels eux-mêmes, il faudrait s’attaquer à la discussion de sa cause essentielle et structurelle : la règle du célibat.

Le « célibat » des prêtres étant chose acquise dès la fin du Moyen-Age, la pédophilie est donc une tare récurrente et quasi consubstantielle à la structure ecclésiale. Rien de plus aisé, pour le Capital, que d’utiliser la dénonciation de ce vice de fabrication pour imposer sa loi au Vatican. Dans le même temps, les agissements délictueux (blanchiment, fonds mafieux etc…) de la banque du Vatican dans la gestion des richesses de l’Église, offrent d’infinies possibilités de pression sur le Saint-Siège à ceux qui sont au courant, et l’on peut faire confiance aux agents du Capital pour avoir observé, de très près, les pratiques des banquiers de Dieu.

Soumis à ces pressions multiples, le théologien Ratzinger doit céder la place. Et Bergoglio entre en scène. On lui taille, très vite, un costume de Pape des pauvres. Cela répond à une double nécessité :

d’une part, c’est la réponse attendue par le Capital qui exige de l’Église « Paupertas », c’est-à-dire en finir avec cette concurrence déloyale qui voit une Église brasser des milliards, agioter et spéculer sans avoir, jamais, à affronter la classe des producteurs de ces richesses. Édifier « une église de la transparence financière […] Qui n’accumule pas richesses et capitaux. » précise Küng, la voix de son maître.

d’autre part, et contradictoirement, c’est un moyen de résister à la pression en reconstituant les bases de l’Église. Bergoglio n’est pas pour rien un jésuite. Il sait ce qu’est la dialectique et donc comment retourner en son contraire une situation qui lui est imposée. Il lance donc une véritable croisade de reconquête des masses populaires en se présentant comme le pape des pauvres… qui sont de plus en plus nombreux. Cette reconquête fait l’objet de son texte : « Evangelii Gaudium » où l’on trouve le verbe “évangéliser” près de 200 fois !

Par ailleurs, il tente de reprendre en mains l’appareil financier du Vatican. Lourde tâche, car le système, particulièrement gangrené, est contrôlé par de puissants parrains qui n’hésiteront pas à user de moyens définitifs pour éviter d’être dépossédés de leurs privilèges et prébendes. Bergoglio est confronté à la situation si bien définie par Lampedusa : « Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change ! »3

Quadrature du cercle ! Tout le talent jésuitique de Bergoglio y suffira-t-il ? On peut en douter.

Georges Douspis,
« Vatican 2014 » in La Raison n°593 Juillet-Août 2014

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1. Marx – Le Capital VIII° section : L’accumulation primitive. Chapitre XXVII : L’expropriation de la population campagnarde.
2. Le Monde – 4 mars 2010 – Pour lutter contre la pédophilie, abolissons le célibat des prêtres, par Hans Küng.
3. Lampedusa – Le Guépard 1958 : « Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi ! »