Carte Blanche : L’impunité d’Israël et la responsabilité de l’UE   Recently updated !


Des organisations et associations de la société civile appellent la Belgique à plaider pour la suspension de l’Accord d’association UE-Israël et à s’opposer à tout rehaussement des relations avec Israël tant qu’il continuera à violer systématiquement le droit international et les droits humains.

Ce lundi 24 février, se tiendra à Bruxelles la 13ième réunion du conseil d’association UE-Israël. Prévues par l’Accord d’association UE-Israël qui régit leur partenariat, ces rencontres n’ont pas eu lieu depuis 2013, sauf en 2022, à cause des violations du droit international et des droits humains d’Israël en territoire palestinien occupé. Depuis lors, celles-ci ont pourtant pris une ampleur toujours plus dramatique, au point de basculer dans l’horreur absolue après l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Les preuves de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité voire de génocide, répertoriées par les ONG et les rapports internationaux, s’accumulent sur l’offensive sanglante à Gaza. La Cisjordanie, où l’expansion illégale des colonies se poursuit inexorablement, est, elle aussi, soumise à un niveau de destruction et de dévastation inédit depuis 1967. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou fait en outre depuis le 21 novembre 2024 l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

Que justifie dès lors la tenue d’un tel événement en dépit de ce tableau accablant ? D’après ses promoteurs – dont la Belgique, qui assurait alors la présidence tournante du conseil – cette réunion, annoncée le 27 mai dernier, devait être l’occasion de mettre Israël face à ses responsabilités. Huit mois plus tard, le rendez-vous semble loin de poursuivre cet objectif. Selon une fuite du projet de déclaration finale qu’a pu consulter De Standaard, les Vingt-Sept s’apprêteraient en effet à plaider pour un renforcement de la coopération avec Israël, en particulier dans les domaines de la digitalisation, de la recherche, de l’innovation et de l’énergie. Si le projet de texte dénoncerait bien le désastre humanitaire à Gaza, la violence en Cisjordanie et la poursuite de la colonisation, il n’en tirerait donc aucune conséquence tangible. Nulle référence ne serait faite, notamment, à une suspension de l’Accord d’association au titre de sa clause sur les droits humains (son article 2). En février déjà, l’Irlande et l’Espagne, soutenues entre autres par la Belgique, avaient demandé sa révision au nom du non-respect par Israël de cette clause. La même demande a en outre été formulée par plus de 200 ONG et syndicats européens en septembre 2024 et plus de 250 parlementaires de 17 pays européens en janvier 2025.

Un indécent « Business as usual »

Qu’une rencontre de ce niveau avec Israël se tienne dans le contexte actuel constitue déjà en soi un motif majeur d’indignation. Le gage de respectabilité qu’elle procure au gouvernement israélien d’extrême droite ne peut en effet que contribuer à renforcer son sentiment d’impunité, au moment même où la nouvelle administration étatsunienne saligne sur son agenda le plus extrémiste, dont le projet de déporter les Palestiniens de Gaza.

Mais que cette réunion soit l’occasion d’un approfondissement du partenariat UE-Israël défie l’entendement et représente un mépris flagrant de nos engagements internationaux. Outre la clause sur les droits humains de l’Accord d’association, de nombreuses dispositions du droit international public obligent les États à faire respecter les droits humains et le droit international humanitaire. Dans son avis du 19 juillet 2024 concluant à l’illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien, la Cour internationale de justice est, à cet égard, très claire :  Tous les États doivent veiller […] à ce qu’il soit mis fin à toute entrave à l’exercice du droit du peuple palestinien à l’autodétermination résultant de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. En outre, [ils] ont l’obligation […] de s’assurer qu’Israël respecte le droit international humanitaire tel que consacré par cette convention ». Force est de constater que poursuivre le « business as usual » avec Israël décrédibilise toute condamnation non assortie de conséquences et encourage au contraire Israël à continuer à violer massivement le droit international et les droits humains.

La loi du plus fort pour seul horizon ?

Dans son accord de coalition, le gouvernement Arizona souligne à juste titre l’importance des droits humains et d’un ordre fondé sur le droit international et fait de la lutte contre l’impunité une priorité. Si notre pays ne veut pas être accusé d’utiliser ces nobles principes « à la carte » en fonction de ses intérêts, ceux-ci doivent être appliqués partout, y compris au Proche-Orient. Cela implique pour la diplomatie belge de demander a minima la suspension de l’Accord d’association UE-Israël et de s’opposer à tout rehaussement des relations avec Israël.

Premier partenaire commercial de Tel-Aviv, l’UE dispose de leviers significatifs pour le contraindre à se plier à ses obligations, ce qui contribuerait à contrer la consécration d’un ordre mondial fondé sur la loi du plus fort. Octroyer à ce dernier une prime à l’impunité en pratiquant le double standard risque au contraire de nous ranger irrémédiablement du côté des fossoyeurs du droit international.

Cette opinion est diffusée dans La Libre Belgique

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